— Veux-tu être mon esclave ?
Une douleur vive me saisit au ventre qui secoue mon corps meurtri. J’ouvre les yeux, je crie : je dois être en plein cauchemar ! Et cependant le calme de la voix me ramène à la réalité.
— Veux-tu être mon esclave obéissant ?
La courte badine siffle encore dans l’air et m’entaille la poitrine.
Je suis toujours dans la même douloureuse position, mais en face de moi se tient un personnage tout de noir vêtu qui m’entreprend un curieux discours :
— Veux-tu partout et toujours m’obéir aveuglément ?
Cette fois la morsure se fait persistante au bas de mon ventre.
la badine frappe de nouveau et atteint mon sexe.
— Veux-tu accepter mes mille caprices, devenir mon jouet, oublier ce que tu es ?
Réponds !
Réponds positivement :
tu n’as d’ailleurs pas le choix, je te frapperai jusqu’à ton consentement de ma loi.
L’horrible douleur traverse tout mon corps.
Je hurle : —Laissez-moi ! Libérez-moi !
— Je ne te libérerai qu’au moment où tu n’auras plus d’autre volonté que la mienne. Et lance sa badine sur mes cuisses.
— Répond-moi : veux-tu être mon esclave fidèle ?
Et l’odieux manège se poursuit, les coups pleuvent, les questions ne changent guère.
le traitement est appliqué avec calme et en calculant les meilleurs effets sur mon corps.
Sa voix ne trahit pas une seule émotion : froide, résolue,
et énoncé la même volonté à laquelle il faudrait que je me soumette pour échapper à mon tourment.
Mon corps saigne, mes articulations meurtries par la tension des chaînes ne peuvent plus supporter le poids de mes membres.
La cadence des coups est maintenant si soutenue que je ne cesse de tressauter dans mon carcan.
Mon esprit tout entier est envahi par cette douleur abominable et ne peut accepter cette folle volonté.
A chaque fois que j’affirme ma rébellion à ce projet fou, ce ne sont en retour que morsures de badine et mots insensés.
La faim, le froid n’existent plus, il ne reste que cette effroyable tension de mon être.
Mon regard est totalement concentré sur mon bourreau, je ne cherche plus à savoir où vont se porter les coups, mais je tente de dévisager cette personne qui ne manifeste aucune fatigue, aucune inquiétude.
Presque immobile, est exécuté son œuvre avec une satisfaction certaine.
— Veux-tu ?
— Veux-tu m’obéir ?
Sa voix m’enivre, me drogue : mon corps est dans un état second.
Pourquoi ne pas lui dire « oui » ?
A quoi rime mon entêtement ?
Une affirmation de ma part pourrait-elle détruire ma volonté d’exister ?
Ce jeu macabre n’a que trop duré : je lâche un « oui » soupirant.
A ce mot, changement de registre :
— Répète que tu acceptes !
Et la badine siffle toujours.
Conséquent avec ma volonté d’en finir, j’opine à nouveau et les coups pleuvent pour accompagner la même demande de confirmation :
— Répète que tu veux être mon fidèle esclave ! – Clac !
– Alors tu es d’accord pour ne plus obéir qu’à une seule personne – Clac !
– Je dicterai en tous lieux – Clac !
– En toutes circonstances – Clac !
– l’attitude que tu dois avoir en dévoué serviteur de ton Maître – Clac !
– Réponds « oui Maître » –Clac !
– Car tu n’auras pas d’autre loi que la mienne, – Clac !
– Tu n’écouteras pas d’autre voix que la mienne – Clac !
Éreinté, soûlé, hoquetant des « OUI »,
« OUI »,
« OUI »,
« OUI »
je m’écroule, je tombe dans le vide.