Monica pour aider à la transformation

Monica

Par Priscilla

CHAPITRE 1

Sur la scène, une brune voluptueuse faisait valser ses énormes seins nus au son de la musique disco. Sans beaucoup de grâce, en fait, mais le public n’en demandait pas tant. Moi non plus, il faut l’avouer : plutôt timide en de tels endroits, j’étais terré dans un coin sombre de la salle, les yeux rivés sur le spectacle de la danse scabreuse, sans oser regarder les autres clients, mais sans chercher pour autant à cacher la formidable érection que provoquait en moi la danse des chairs, sur la scène. Mais ce qui me fascinait le plus, chez Dame Molly, au delà de sa vulgarité sans réserve, presque insolente, c’était la formidable beauté de ce corps. Une taille fine qui accentuait le découpé de ses énormes seins et ses hanches généreuses; une peau merveilleusement veloutée; des cuisses fermes qui s’enfermaient dans un bas de filet rouge évoquant les douceurs de quelque bordel de contes pour adultes… Et un visage dont le maquillage, un peu trop prononcé, accentuait le caractère envoûtant.
Elle enleva son slip d’un geste brusque et se retrouva nue au centre de la scène. Puis elle écarta légèrement les jambes. Entre ses cuisses, une masse de chair encore un peu molle surgit aussitôt. Dame Molly commença à frotter son propre pénis avec volupté et il prit des proportions étonnantes. La musique était soudainement devenue plus langoureuse et je me sentis défaillir à la vue de cette femme au sexe viril. Jamais je n’ai souhaité avec autant de force goûter à un sexe d’homme. Jamais n’ai-je souhaité avec autant de hâte laisser glisser ma langue le long de la veine gonflée d’un pénis, embrasser avec tendresse les peaux plissées d’un scrotum, sentir sous mon palais les pulsations d’un
testicule et laisser enfin entrer l’organe avec force, avec violence, jusqu’au fond de ma gorge, pour y déposer le liquide de l’amour.
Monica a dû lire le désir dans les tremblements de mon corps. Elle s’est assise à ma table. « Vous aimez cette fausse femme ? »
– « Oui… M… »
J’étais absolument confus. Ce n’était pas ma première visite à ce bar de travestis, mais c’était la première fois qu’on m’y abordait. Et Je ne savais guère, à ce moment, si j’avais affaire à un homme ou une femme; l’incertitude me troublait. « Je m’appelle Monica, et j’aime les hommes dociles » qu’elle me dit, sans attendre vraiment de réponse. « Et vous? Vous aimez les travelos ? »
– « Oui… Et les femmes dominantes aussi. »

* * *

Ça y est. Subjugué par cette femme directe, j’avais avoué dès l’abord un fantasme enfermé jusque là au plus profond de moi. Monica n’attendit guère d’autre confidence. Avec assurance, elle
sortit de son sac une paire de menottes, et sans même que j’aie pu saisir le sens de son geste, je me retrouvai les poignets liés derrière le dossier de ma chaise. Mon univers venait de basculer. Je sentais que rien ne serait jamais plus pareil. « Tu t’appelles comment, esclave? »
– « Claude »
– « T’as intérêt à te laisser faire, Claude chéri, parce que quand je suis fâchée, je deviens méchante; mais si tu es docile, ta maîtresse Monica saura être généreuse. »
Il était évident que j’allais être docile. Devant cette femme très belle, au visage plutôt doux, mais au regard de glace, je me sentais sans défense. Et c’est comme ça que je l’ai laissée m’entraîner, fermement mais sans rudesse, vers les toilettes pour femmes, fréquentées surtout, en un tel endroit, par les androgynes soucieux de parfaire le contour de leurs lèvres, de remettre un peu de poudre, de replacer une perruque glissante.
Là, dans la lumière crue des lavabos, devant un miroir indiscret, je l’ai vu sortir de son sac un rasoir fin et sa trousse de maquillage. En quelques minutes, elle avait effacé de mon visage toute trace du mâle et elle s’affairait maintenant à appliquer du fond de teint sur ma peau, du rouge sur mes lèvres, puis du mascara sur mes cils. Je la regardais agir, passif comme je ne l’avais jamais été, enveloppé dans un tendre frisson. Elle portait des bottes de cuir noir, à talons étroits, juste un peu trop hauts pour être confortables, mais se déplaçait avec aisance. Sa robe droite, toute sage, d’un rose délicieusement romantique, aurait suggéré la douceur, si des épaules un peu fortes, et quelques accessoires provocants de cuir et de métal ne l’avaient transformée en tenue de combat. Ses lèvres étaient du même rose, comme le tour de ses yeux. Sur son front, un bandeau rose et noir s’harmonisait avec le reste. « Désormais, tu va t’appeler Claudia, quand tu seras avec moi », me dit-elle en terminant son œuvre d’art.
Quand elle eut rangé ses fards, elle me fit signe de la suivre. Je traversai derrière elle la salle encore sombre, jusque dans la rue, en silence, le visage peint et les mains menottées dans le dos, sous les regards amusés des passants, heureusement dispersés à cette heure tardive. J’ai baissé les yeux au sol pour ne pas laisser paraître ma honte, puis je me suis engouffré dans l’auto de Monica. Elle défit l’agrafe de mon pantalon et m’ordonna avec une voix sèche de me dévêtir complètement. Menotté comme j’étais, la chose me fut difficile. Je la sentais, à mes côté, goûter avec délices mes misérables contorsions. Mais elle apprécia surtout, lorsque mon pantalon glissa sur la moquette, de
découvrir le slip de soie transparent, les jarretelles et les bas de nylon qui me tenaient lieu de dessous. « Oh wow ! Je pense que j’ai frappé le gros lot. Ma fabrication de Claudia sera bien plus simple que je l’imaginais ! »
Sous le masque de maquillage qu’elle m’avait composé, je me sentis rougir. Certes, il m’arrivait souvent de revêtir, sous mes vêtements d’homme, de tels dessous féminins. Je crois même que je ne m’étais pas acheté un seul sous-vêtement masculin depuis quatre ou cinq ans ! Mais jamais, jusqu’ici, on ne m’avait vu ainsi. J’étais humilié… et ravi pourtant que mon secret le plus intime soit enfin partagé. Sous le regard de cette étrangère, tout ridicule que je puisse paraître, je me sentais désirable malgré tout. Et je sentis mon pénis se gonfler lentement, augmentant à la fois ma honte et ma satisfaction. Monica ne fit pas de commentaire, mais son regard réprobateur m’indiquait clairement qu’elle jugeait ce gonflement tout à fait indécent.

* * *
Dix minutes plus tard, j’étais en face de chez elle, et c’est toujours menotté, en slip translucide d’où mon pénis débordait largement, en bas de nylon et en jarretelles, que Monica me fit
traverser la rue, déserte heureusement cette fois, et pénétrer dans son rez-de-chaussée. Elle me fit signe de m’asseoir, défit mes menottes, enleva mon t-shirt, embrassa avec tendresse mes pauvres seins d’homme en érection timide, puis disparut quelques minutes dans sa chambre. Quand elle revint, elle portait toujours ses bottes aux talons trop effilés, mais avait troqué sa robe rose plutôt sage pour un slip de cuir noir serti de clous menaçants, une guêpière de lycra noir qui lui enserrait délicieusement la taille, et des gants de cuir souple, dont la peau noire se prolongeait presque jusqu’aux épaules.
Elle m’offrit un verre de liquide doré que je crus être du champagne, jusqu’au moment où je l’approchai de ma bouche et découvrit avec surprise qu’il s’agissait d’urine. J’eus un mouvement de répulsion et éloignai le verre de mes lèvres.
– « Allez, Claudia. Ce n’est pas poli de lever le nez sur ce que ta maîtresse te donne. Surtout que je te l’ai préparé avec amour ! »
– « Mais… Je… »
– « Claudia, reprit-elle sèchement cette fois. Sois une fille bien élevée et bois ce que je t’offre sans rechigner. Sinon, il me faudra te dompter, et tu finiras par boire de toute façon. »
Je levai doucement le verre à mes lèvres, et en fit couler un peu dans ma bouche. L’odeur était tenace et le goût à la fois âcre et salé. j’eus un léger haut le cœur, mais je n’avais pas le choix. Je pris d’une seule lampée tout le contenu du verre comme pour traverser le plus rapidement ce mauvais moment.
– « Brave petite Claudia. Tu viens de réussir le premier test. Mais à l’avenir, il faudra toujours m’obéir avec le sourire. Pas avec cette affreuse grimace. »
– « Bien, madame ! »
Monica me fit passer dans une chambre et me demanda de troquer mes chaussures d’homme pour une paire de souliers à talons de dix centimètres, bien trop petits pour mes pieds. J’eu du mal à les enfiler. Puis, je fis quelques pas d’essai et parvins sans trop de peine mais sans élégance à conserver mon équilibre. La vue dans un miroir de cet homme en talons hauts et en bas de nylon, avec son slip translucide et le torse nu, le visage maquillé avec un léger excès, eut l’effet d’un choc électrique sur mon pénis qui acheva de bander complètement. Monica feignit de ne rien remarquer, me tendit un soutien gorges et deux prothèses mammaires, puis une robe de bonne, en lycra noir, avec des bordures et un tablier de dentelles. « Quand tu viendras chez moi, ça sera ton uniforme.
Maintenant, marche devant moi. Fais les cent pas. Je veux voir
comment tu te débrouilles avec les souliers. »
Au début, la meurtrissure de ces souliers trop étroits me parut supportable, mais elle allait désormais s’accroître tout au long de la nuit au point d’engourdir complètement mes pieds vers
le matin. Car je n’allais pas avoir de répit. Monica fixa en effet mes poignets sur deux anneaux, disposés sur le mur à 1 mètre 80 du sol, et me força à m’accroupir, jambes pliées et bras tendus. Mon visage se trouva ainsi à la hauteur de son pubis. Elle dégrafa son slip de cuir.
– « Lèches-moi, esclave. Lèches-moi fort. Fais-moi jouir avec ta langue, petite garce. Et que ça soit bon, parce que sinon, c’est le fouet. T’entends petite conne ? »
Elle venait de troquer son ton amical pour celui de l’insulte. Je sentis brusquement toute la férocité de cette femme, mais il était trop tard. Je n’avais d’autre choix que d’obéir. Sans grande retenue d’ailleurs, moi qui ai toujours beaucoup aimé caresser les chattes avec ma bouche… N’empêche que les insultes et les menaces qu’elle ne cessait de me proférer, tout le temps de ma « célébration » ne facilitaient pas la détente. J’étais crispé par la peur.
Elle écarta ses jambes et vint coller sa touffe brun roux contre mes lèvres. Je tendis la langue, et sentit l’humidité de son clitoris. L’odeur était envoûtante. Comme je cherchais à exciter les lèvres humides de son sexe, je la sentis se mettre en mouvement, pressant par saccades son clitoris contre ma langue tendue. Avec ses mains derrière ma nuque, elle vint presser ma tête plus fortement contre elle, m’empêchant presque de respirer. Je me sentais réduit à l’état d’objet sexuel, jouet sans défense qu’elle manipulait avec expertise. L’exercice me parut d’abord excitant. Mais il dura une bonne quinzaine de minutes, pendant lesquelles la tension sur mes poignets accrochés au mur et la douleur de mes pieds enfermés dans leur étau de cuir finirent par mobiliser toute mon attention. Je désespérais qu’elle vienne enfin, et que les volutes de la satisfaction lui fassent relâcher la pression de moins en moins tendre qu’elle exerçait sur mon corps meurtri.
– « T’aimes-ça, hien, p’tite garce ? Tu paierais cher pour me planter ton pénis de merde dans ma fente ? Mais t’auras pas ce plaisir ! J’ai d’autres projets, pour toi, ma petite chérie ! »
Elle relâcha enfin son étreinte, mais elle n’en avait pas pour autant fini avec ma bouche. Se retournant de 180 degrés, elle me présenta la fente de ses fesses. « Ta langue, salope, j’la veux dans mon cul. T’entends ? Le plus loin possible dans mon cul. »
Elle approcha de ma bouche la porte étroite de son anus. Aurais-je dû le trouver répugnant ? Je préférai ne pas y penser et fit ce qu’elle m’avait ordonné. Le tendis la langue. « Oui!… Ouuuuiii! Oh quelle belle pute tu fais, salope. Allez entre ! Entre! Dans mon cul. Mais entre, que j’te dis, p’tite conne ! »
J’essayais de mon mieux de pénétrer le trou rose et serré qu’elle pressait sur ma bouche. Mais j’avais la langue meurtrie des efforts faits, auparavant, à son autre orifice. Elle pressa un peu plus ses fesses sur mon visage, coincé contre le mur. Je fis un douloureux effort pour tendre encore plus ma langue et je sentis enfin s’ouvrir l’orifice. « Aaaah ! Ca y est ! T’es un ange Claudia ! » Elle me tenait serré contre elle avec une main, et se masturbait avec l’autre, en dandinant son fessier sur ma langue tendue, compressée par son anus, au fond duquel je sentais l’humidité chaude de ses
muqueuses. Jamais je n’avais connu de contact aussi intime avec l’intérieur d’un corps de femme. Jamais je ne m’étais senti aussi humilié, sans défense, marionnette inconfortable d’une bête en
chaleur. Bon Dieu ! Qu’attendait-elle pour venir ? Combien de temps allait durer ce supplice décadent ? « Tu sais, si tu fais bien ces choses, un jour je te permettrai de lécher aussi mes amies. Ta petite langue de suceuse va faire fureur, Claudia. Ooohh Oui ! Continue ! »
Puis soudain, son corps s’anima de mouvements saccadés. L’orgasme venait enfin m’annoncer la libération. Les mouvements prirent de l’ampleur, comme des vagues dont je ressentais les derniers reflux jusque dans le sphincter qui m’enserrait la langue. Ses respirations se firent plus lentes, jusqu’au relâchement de tous ses muscles. Alors, la jouissance consommée, elle s’éloigna avec mépris de ma bouche, remit son slip. « Maintenant, dit-elle froidement, il faut dormir, Claudia, parce que demain, tu as tout le ménage à faire, sans oublier les services personnels qu’il faudra me rendre. »
Elle quitta ainsi la chambre, et je réalisai sur le champ qu’elle avait décidé de me laisser passer la nuit, accroupi avec les poignets liés au mur. Avec quelques contorsions, il me fut possible de me lever, mais le progrès était mince : j’en avais pour quelques heures à souffrir, adossé à un mur, immobile, monté sur des chaussures trop petites, les pieds de plus en plus engourdis de douleur… Combien de fois avais-je déjà vécu en rêve des situations de ce genre ? Des centaines, sans doute. Et à chaque fois, le fantasme me conduisait rapidement à l’érection et à l’orgasme. La réalité était moins agréable. Inconfortable, souffrant des pieds et des poignets, épuisé mais incapable de trouver une position pour dormir, je n’arrivais guère à apprécier le potentiel érotique de la situation. Et pendant des heures de plus en plus intolérables, j’attendis que Monica veuille bien se lever.
* * *
Elle le fit heureusement assez tôt, vers 7 h 30 environ. Lorsqu’elle ouvrit la porte de ma chambre, vêtue d’un peignoir translucide, je vis pour la première fois ses seins nus et sentis l’odeur de son parfum. Mon pénis ne tarda pas à réagir. Elle regarda l’organe et lança, d’un ton réprobateur: « Eh, p’tite pute, c’est pas encore l’heure des plaisirs. Faut travailler, ma gueuse. Y a un lavage à faire, et mon déjeuner. J’ai vu ce que tu valais comme suceuse; maintenant, faut que tu me montres ce que tu vaux comme esclave. Et puis tu sais que t’es pas très féminine, quand t’es bandée dans ton slip. »
Elle attendit, quatre ou cinq secondes à peine, mais comme mon organe continuait à prendre du volume, devant le spectacle de son corps nu sous mes yeux, elle sortit rapidement de je ne sais où une cravache de cuir, et fouetta l’organe avec violence.
– « Aaarrgh!… »
– « Tais-toi, fatigante. À l’avenir, quand je te dirai de ne pas bander, faudra m’obéir. »
Je baissai les yeux, résigné. Elle en profita pour m’asséner un nouveau coup de cravache, sur les cuisses, cette fois. Je refrénai avec peine un nouveau cri.
– « Qu’est-ce qu’on dit, quand sa maîtresse nous apprend le bon comportement des filles en société ? »
– « Merci, madame. »
– « Voilà ! Tu vois que c’est pas compliqué ! »

* * *

J’eus droit à trois longues heures de ménage. Toujours juché sur mes talons trop hauts, les pieds à l’étau dans ce cuir trop étroit, je sentais une douleur atroce à chaque pulsation de mon sang, comme si les veines voulaient éclater entre mes chairs et ossements compressés. Monica vaquait à ses occupations diverses, mais venait avec régularité s’assurer que je ne trichais pas. « Tu n’auras aucun repos avant de m’avoir fait jouir, et moi seule déciderai quand. Alors, t’es aussi bien de t’y faire ma pauvre petite. » Puis, elle ajouta, avec un ton faussement compatissant : « Tu sais, je te regarde, Claudia, et j’ai pitié. il y a des millions de femmes comme toi, dans le monde, qui sont réduites à l’esclavage. Mais elles, elles ne l’ont pas choisi. Elles sont née femmes. Toi, c’est par choix que tu vivras ce qu’elles doivent encore subir. Appelons ça un supplice… expiatoire. »
Vers la fin de l’avant-midi, Monica vint me chercher dans le boudoir où j’achevais de passer l’aspirateur. Elle portait un « jump suit » de soie noire aux jambes et aux manches très amples, avec un décolleté profond qui laissait entrevoir une camisole de dentelle rouge couvrant à peine la moitié de ses seins. Elle venait de refaire son maquillage, plutôt discret, mais soulignant le double caractère de son visage, mélange de séduction et de férocité. Je ne lui adressai qu’un très bref regard. La douleur à mes pieds était devenue insupportable. Elle vit que j’avais les larmes aux yeux.
– « Qu’est-ce qui ne va pas, petite ? T’as les bleus ? Tu t’ennuies de ta mère ? »
– « Non, madame… Ce sont mes pieds ! Ils sont en feu. »
– « Oh. Tu t’y habitueras, ma fille. Des millions de femmes, dans le monde, ont souffert comme ça, pour faire plaisir aux hommes. Alors, tu peux bien endurer quelques heures de plus. Et puis, tu verras. Après quelques jours, tes os vont se tasser. Tu te sentiras de plus en plus à l’aise dans ces souliers. Il faudra même diminuer encore un peu la pointure, sans doute. »
Elle parlait de quelques jours, avec de la malice dans son regard. Jusque là, j’avais cru à un jeu, cruel et envoûtant à la fois. Ma situation prenait soudainement une autre allure. Mais combien de temps comptait-elle me tenir ainsi en captivité ? J’osai le lui demander.
– « Qu’as-tu à faire de si important, petite pute ? Tu veux aller promener ta queue indécente dans les bars de travelos, et faire rire de toi parce que, entre nous, personne ne t’a jamais entraînée à devenir femme ? Tu veux continuer à fantasmer sur des danseuses sans raffinement et succomber en fin de compte aux charmes du premier petit maquereau venu qui te transformera en putain et te fera faire le trottoir rue Saint-Laurent. Allons ! Sois sérieuse ! Tu veux finir droguée, vieillie prématurément ou même sidéenne ? »
« Moi, je t’offre au contraire la chance inouïe de vivre à plein temps comme l’esclave exclusive de Madame Monica. Tu auras les plus belles robes, les maquillages les plus sophistiqués, autant de bijoux que tu en désires. Je t’enseignerai tous les charmes de la féminité. Tu apprendras à être soumise, mais aussi à séduire. Tu seras au nombre des femmes les plus recherchées en ville. Tu seras dressée pour donner le plaisir comme pas une autre ne sait le faire et pour accepter la souffrance avec tant d’exaltation que tu ne pourras plus t’en passer. Tu verras ! Tu n’auras plus à te préoccuper de l’avenir. Avec une seule chose à faire, une seule condition : être docile. Obéir aux moindres caprices de ta maîtresse. Me faire jouir, et faire jouir les hommes et les femmes qui fréquentent ma demeure. Ca ne te plait pas, ce destin remarquable ? »
– « M…Mais… J’ai mon travail… Je… »
– « Tu la fermes, petite effrontée, reprit-elle avec rage. Je t’offres le paradis et tu lèves le nez. Tu m’insultes, conasse ! Alors tu sais ce que tu vas recevoir, comme punition ? Le fouet ! Le fouet jusqu’à ce que tu me supplies de cesser, jusqu’à ce que tu me promettes de rester. Je vais te faire regretter ton insolence et pour te faire pardonner, tu imploreras ta maîtresse, pour qu’elle te laisse lécher son beau petit cul jusqu’à ce que ta langue saigne. »
Elle me tourna le dos, et prit la direction de sa chambre, en me lançant un « suis-moi » si sec qu’il ne tolérait aucune résistance. Je n’avais guère la force de lui résister, de toute façon. Comme si mon costume de bonne et ces souliers qui meurtrissaient ma chair constituaient désormais plus qu’un déguisement, mais une véritable seconde personnalité, enrobant et emprisonnant tout ce que j’étais par ailleurs. J’étais devenue totalement soumise.
En entrant dans la chambre, je fus abasourdie par le luxe. Lit à baldaquins, douillette couverte de dentelles, draperies somptueuses, miroirs. « Ca t’impressionne, n’est-ce pas, petite sotte ? T’aimerais bien dormir ici avec ta maîtresse Monica, non ? Allez ! Déshabilles-toi ! »
Pendant qu’elle m’aidait à enlever ma robe, je parvins avec peine à enlever les chaussures étau qui me torturaient depuis la veille. Quel soulagement, mais quelle atroce douleur, en même temps, que ce brusque relâchement des ossements, en liberté retrouvée ! Elle me fit enlever mes bas, mon porte-jarretelles et le soutien gorges rembourré qu’elle m’avait prêté la veille. Quand je fus nu comme un ver, elle me fit accroupir sur le dossier d’une chaise, attacha mes deux poignets à ses pattes avant et mes deux chevilles à l’arrière. Et dans mon orifice anal, brandi, prêt à recevoir le fouet, elle enfonça lentement mais sans véritables précautions, un formidable godemiché de
latex.
Mon cul était vierge, et la douleur me fit presque hurler. Elle m’ordonna de me taire et, par assurance sans doute, plaça sa main devant ma bouche. Je sentis mon anus résister à la brutale
intromission de ce sexe de latex rigide. Alors le godemiché se laissa refouler, puis, comme une vague, reprit l’assaut avec une pression accrue. La douleur fut terrible. Ce fut comme un déchirement atroce au niveau de mon sphincter anal, mais je parvins à garder silence. Les larmes qui mouillèrent alors mes yeux furent le seul témoignage de la douleur du viol.
Une fois l’orifice ouvert, par contre, la brûlure fit place à une étrange sensation de plénitude, à mesure que le gland de latex caressait mes parois de plus en plus profondes. Je me sentis ridicule de m’être laissée attacher dans cette position vulnérable, et de subir ainsi ce viol de mon orifice culier. Mais il était trop tard. Et je n’avais désormais d’autre choix que d’attendre le fouet. Pourquoi m’être ainsi laissée faire ? Il me vint pour la première fois à l’idée que j’étais probablement plus forte que cette femme cruelle, au corps délicat, somme toute. Alors, pourquoi cette détresse et cette soumission ? Combien de fois aurais-je pu m’échapper depuis le matin ?
J’entendis le fouet claquer faiblement dans l’air de la pièce. Pourquoi étais-je devenue si soumise ? « forte », « soumise »… Voilà que je parlais spontanément de moi au féminin. Je sentis que j’étais en train de vivre une transformation beaucoup plus brutale que je ne l’avais d’abord cru. Non, je n’avais pas voulu fuir ma tortionnaire. Non, le fouet ne me faisait pas peur; je le désirais
même, je crois. Oui, je rêvais du moment où Monica m’accorderait son pardon et me prendrait dans ses bras pour me consoler.
– « Combien de coups tu mérites, Claudia chérie ? » demanda-t-elle, presque avec douceur.
– « Vingt, madame. J’ai été une mauvaise fille. »
– « J’aime ton attitude, maintenant. J’aurais envie de te laisser filer pour cette fois, mais je pense qu’il est bon que tu goûtes à mon fouet, pour la prochaine fois où tu auras des sautes d’humeur. Ou aussi parce que, des fois, il m’arrivera d’avoir envie de te frapper sans raison. Alors, tu dois apprendre à recevoir les coups avec le sourire et me remercier ensuite. Mais 20, c’est trop, ma chérie. Pour la première fois, tu ne le supporterais pas. Disons une dizaine ? »
J’entendis la lanière siffler dans l’air de la pièce et sentis mes deux fesses se déchirer d’un coup sec. Je n’eus pas le temps de retenir mon cri qu’un second sifflement vint marquer une seconde déchirure. La brûlure se répandit sur tous le bas de mon dos, puis jusque dans mon cerveau ou tout se mit à déraper. « Nnnooonnn ! Aaahh ! Meeerde ! Noonn ! »
Une troisième déchirure, puis une autre. Je sentis alors mon pénis se dresser, ridicule, entre les barreaux de la chaise, et je ne pus retenir une formidable poussée de sperme. Éjaculation précoce, violente et désespérée, dans un tel mélange de douleur, d’angoisse et de jouissance. J’encaissai encore deux coups du fouet. Je crois que j’ai dû perdre vaguement connaissance, bien que je m’entendis crier encore, d’une voix étrangement aiguë, comme si je la voulais féminine : « Monica. Arrêtez ! Maîtresse ! Je vous aime ! Pitié… Je ferai ce que vous voulez. Je suis votre esclave. Arrêtez… Non ! Non ! Continuez, plutôt. J’en veux d’autres. Ouii! Frappez. Je suis votre esclave. »
Le supplice prit fin. Monica détacha mes jambes et mes poignets. « Mais tu as éjaculé, petite stupide ! Qui t’en avais donné la permission ? Et t’as sali ma chaise, mon tapis ! C’est pas très féminin, ça. Si t’apprends pas à te retenir, va falloir un jour te couper la queue. Ca serait dommage non ? Car c’est beau un pénis dans une culotte de dentelle transparente. Allez. Lèches-moi tout ce sperme. Je veux pas un cerne sur ma chaise, et plus rien sur le tapis. Et attention ! si je vois la moindre trace de rouge sur le tapis, on recommence avec le fouet ! »
– « Bien madame ! » répondis-je, en commençant à lécher mon propre sperme sur le siège. Pendant une fraction de seconde, l’odeur me parut repoussante; mais comme pour l’urine de Monica que j’avais dû boire la veille, je savais qu’il me fallait exécuter ses ordres. Et je trouvais dans cette situation de soumission totale une certaine extase. J’eus soudain envie de ce sperme, comme d’une
récompense délicieuse. Je m’imaginai en train de sucer quelque pénis engorgé, en me demandant si Monica allait un jour m’initier au plaisir de la fellation.
– « Tu aimes ça ? »
– « Hmmm. »
– « T’es aussi bien d’aimer ça car dans les prochaines semaines, tu vas avoir un entraînement intensif : une vraie esclave doit savoir sucer autant un sexe d’homme que de femme. Et toi encore plus que toute autre. Puisque tu possèdes encore ton sexe d’homme, tu devrais savoir mieux que toute femme comment plaire à ces messieurs, non ? Alors, j’ai l’intention d’inviter bien des hommes qui paieront cher pour t’initier à la nouvelle vie de prostituée de luxe ! »
Je me remis à pleurer. Ma maîtresse venait de briser mes dernières résistances. Le projet qu’elle entretenait à mon sujet ne m’attirait en rien. J’étais catastrophée. Comme ces putains qu’on voit dans les films, incapables de résister au chantage de leur souteneur. Je savais qu’elle allait me demander de faire des choses immondes et que j’allais obéir. Je savais que je les ferais, la plupart du temps, sans goût, sans passion, avec rien d’autre que l’écœurement, la honte de moi. Et que je n’allais pourtant rien pouvoir refuser à cette femme araignée qui m’avait enveloppée dans sa toile. Je pleurais. Je me sentais victime honteuse, vulnérable, soumise… et nue.
Elle dut comprendre mon regard de panique : elle ouvrit une large garde-robe, et me tendit quelques fringues aux couleurs remarquables. Je fus si envoûtée par la robe qu’elle fit choir
sur le lit, que j’en oubliai un peu ma détresse.
« Allez, Claudia. Cesse de pleurer. Tu vas voir. Tout va très bien se passer. Ce soir, je te sors. On va te faire belle. Tous les hommes vont te désirer, et les femmes vont être jalouses de toi. On va au restaurant. Mais il faut d’abord que je te prépare. On va enlever tous tes poils. On va huiler ta peau. Tu vas être parfumée, maquillée et vêtue comme une princesse. Tu le mérites bien ! »
– « Oh merci, Madame ! » répondis-ce avec cette même voix féminine qui m’avait tant surprise sous le fouet, mais qui me paraissait dorénavant comme la preuve qu’au plus profond de moi, tout mon corps s’était soumis; jusqu’à mes cordes vocales qui rendaient désormais tribut à ce que ma maîtresse Monica avait fait de moi : une femme docile, prête aux plus grandes souffrances et aux plus abjectes humiliations, et ne rêvant en échange que de sortir au plein jour, au bras de l’être qui me dominerait, pourvu que je sois bien vêtue et désirable sous le regard des autres.

* * *
Monica m’aida à appliquer une crème épilatoire sur l’ensemble de mon corps. Pendant que j’attendais, assise sagement sur une chaise droite, elle affina jusqu’à l’excès le tracé de mes sourcils. Je n’avais pas de miroir, mais je devinais le caractère irréversible de la transformation qu’elle m’imposait ainsi. Comment pourrais-je, si elle décidait de me libérer, affronter mon univers d’homme avec ces sourcils trop fins, arqués comme ceux d’une cover-girl ?
Puis, avec un soin d’esthéticienne professionnelle, elle m’appliqua des faux cils, des boucles d’oreille et un maquillage qui me parut juste un peu trop généreux. Elle me fit ensuite passer dans la salle de bain, retira la crème séchée de ma peau désormais étrangement lisse. Elle me tendit un corset noir, à l’évidence trop étroit pour ma taille. Elle commença à en lacer les cordons à l’arrière, au niveau de mes reins. À chaque fois qu’elle serrait un œillet, je sentais comme un étau de fer se refermer un peu plus autour de ma taille. Quelle impression agréable pourtant que de savoir son corps ainsi emprisonné, pris en charge, protégé en somme par ce vêtement érotique aux accents victoriens, sous lequel tant de femmes, dans l’histoire, ont accepté de souffrir !
– « Prend une grande respiration… Maintenant, vide tout ton air, et rentre le ventre complètement… Voilà ! C’est beau ! »
Elle serra les derniers œillets, en appuyant son genoux au centre de mon dos. Quand je voulus reprendre mon souffle, ça m’était devenu impossible. J’allais défaillir. À peine puis-je aspirer un mince filet d’air. Tout mon torse était désormais prisonnier, comme un seul bloc rigide, sous un étau de torture. « Un jour, mon bel ange, quand ton corps aura épousé les formes de ce corset, tu pourras y respirer à l’aise. Ca te fera comme une seconde peau. Mais là, tu as un bon dix centimètres à perdre au tour de taille ! »
Puis ce furent les bas, une culotte de dentelle délicieusement érotique, les faux seins et le soutien gorges, puis la robe magnifique que j’avais entrevue sur le lit. C’était un long fuseau de soie bleue, descendant aux chevilles, mais fendu sur le côté, laissant paraître à chaque pas jusqu’à l’emprise de mes bas. Pendant qu’elle ajustait une longue perruque toute en ondulations brun orangé, je vis dans un des miroirs de sa chambre cette superbe femme fatale que j’étais devenue. Elle remarqua mon émerveillement.
– « Tu aimes ? »
– « Oh Monica ! C’est merveilleux ! Comment avez-vous pu faire de moi une si belle femme ? Vous êtes une vraie fée ! »
– « Maintenant, j’ai une mauvaise nouvelle. Il te faudra remettre ces souliers qui te font tant souffrir. »
– « Oh je m’en fous, Monica ! Après ce que vous venez de faire de moi, je vais faire tout ce que vous me demandez. »
Elle me demanda ensuite de m’agenouiller devant elle, d’enfouir ma tête dans sa touffe et de lécher son clitoris. La manœuvre s’avéra fort difficile, avec ce corset qui me serrait le corps. Ma rigidité maladroite amusa Monica. « Pauvre Claudia ! C’est dommage que je préfère les tailles de guêpe aux rondeurs. Tu as mal choisi ta maîtresse ! »
Au bout d’une demi-heure, après qu’elle eut joui, je crois, elle me demanda de l’attendre dans le hall. Elle savait bien qu’accoutrée comme je l’étais, je n’allais pas fuir. En fait, j’aurais pu, sans doute. J’y ai songé en tout cas. Mais j’étais encore sous l’envoûtement de la femme. Comment aurais-je pu vivre sans être allé jusqu’au bout de ce voyage érotique au cœur de l’enfer ?
Nous étions en plein après midi. Je n’avais rien mangé depuis la veille. Et le corset inconfortable qui m’enserrait le torse m’empêchait de respirer autrement qu’en petites lampées maladives. Je me sentais étourdie. Je m’habituais heureusement aux souliers, dont les talons aiguilles de dix centimètres m’apparaissaient désormais d’une hauteur confortable. Mes ossements s’étaient conformés aux contraintes des chaussures qui me meurtrissaient beaucoup moins les pieds.
En attendant Monica, je fis les cent pas et me retrouvai devant un miroir. Sauf pour le rouge autour des lèvres, défraîchi par les caresses orales que Monica venait de m’exiger, j’avais devant moi l’image d’une femme superbe. Et cette vision érotique de celle que j’étais devenue provoqua une nouvelle érection. Une bosse révélatrice fit saillie au milieu du fourreau, déformant la
pureté des lignes de cette magnifique robe droite. Je fis un effort pour replier ma queue entre les jambes, mais Monica, qui descendait l’escalier à ce moment précis, vit le geste et me gronda :
– « Qui t’a permis de te toucher, petite vicieuse ? »
Je me retournai vers elle, pour qu’elle puisse voir la déformation disgracieuse de ma robe. « C’est que je n’ai rien pour cacher cela ! »
– « Ma pauvre fille, si j’avais voulu cacher ton sexe d’homme, j’aurais pu l’enfermer plus solidement dans un harnais ou dans une cage. Si je l’ai laissé libre, c’est que je veux que tu apprennes à mieux contrôler ton organe. Et puis, le moment venu, si jamais il te prend envie de séduire quelques proies, mieux vaut qu’ils sachent au plus tôt à quelle petite dégénérée ils ont affaire. Sinon, la violence d’un homme trompé peut devenir dangereuse, crois-moi ! Alors, t’es mieux de porter ton sexe en évidence ! »
Monica s’était vêtue d’une robe blanche sans manches, aux plis amples, à la jupe courte, comme la tunique d’une vestale grecque. Elle portait des sandales légères à talons hauts et des accessoires de métal délicats. Une fille sage en apparence. Cela contrastait avec ma tenue à la fois raffinée et provocante, avec cette jupe fendue très haut et mon maquillage manifestement érotique qu’elle s’empressa de rafraîchir. L’ensemble de mon corps se présentait comme une invitation sexuelle claire alors que le sien, au contraire, était d’une pudeur exemplaire. « Ce soir, petite fille, c’est toi qui va servir d’appât. Je veux que les hommes te regardent, te désirent. »
Je me sentais effectivement désirable. Et je perçus comme un éclair d’envie dans le regard de Monica. « Mais il est trop tôt pour sortir maintenant, reprit-elle. J’ai encore quelque
préparation à te faire subir. » Elle me poussa avec douceur dans la pièce qui m’avait servi de chambre à coucher (bien que le mot « coucher » soit abusif : j’y avais passé la nuit debout, adossée au mur), me fit écarter les jambes, en pliant le tronc vers l’avant, les paumes apposées sur le mur. J’ai compris que j’aurais droit à la pénétration complète lorsque je la vis lever sa tunique, et apposer sur son sexe un godemiché à courroie, qu’elle attacha solidement en place. « Si jamais nous faisions, ce soir, d’adorables rencontres, Claudia chérie, il serait dommage que ta petite chatte culière refuse de s’ouvrir. Alors, on va préparer le passage, maintenant. »
Elle approcha d’abord de ma bouche son pénis de latex. En me penchant un peu plus (ce qui ne fut pas facile, avec ce corset trop rigide qui m’emprisonnait toujours), je parvins à enfoncer la prothèse entre mes lèvres, puis au fond de ma gorge.
– « Vas-y avec ta salive, ma jouisseuse, car ça sera ta seule lubrification, » me dit-elle, en commençant à retirer tranquillement le membre synthétique.
Puis elle vint se placer derrière moi et m’enfonça son pénis dans l’anus. Je sentis la même douleur, la même brûlure que j’avais expérimentée plus tôt, juste avant ma flagellation. Comme
si le trou de mon cul refusait encore de s’ouvrir. Mais pourquoi n’avait-elle pas pris le temps de relâcher mes muscles avec des caresses ?
Si j’ai, une fois, détesté cette femme cruelle et sensuelle, c’est bien à ce moment, alors qu’elle poussait de toutes ses forces sur mon anus en flammes, que je sentais prêt à déchirer
sous la pression. Mais il s’ouvrit soudain, et je la sentis pénétrer d’un seul coup jusqu’au fond. Choc électrique d’une violence insupportable. La douleur monta par vagues le long de ma colonne. Et pendant qu’elle faisait l’aller-retour dans mon cul défoncé, s’excitant elle-même, du même coup, jusqu’à l’orgasme, j’eus comme un coup de barre au ventre. C’était le stress de mes muscles emprisonnés dans ce corset démoniaque, la position inconfortable de mes jambes tendues, et cette
pénétration trop subite qui bousculait tout à l’intérieur de mon corps cintré… et à l’intérieur de ma tête surtout. Oui ! Je venais d’être violée une seconde fois en quelques heures. Le geste de Monica avait la même brusquerie, la même haine. Je me remis à pleurer, et sentis mon corps trembler en grandes vagues incontrôlables.
Monica n’en poursuivit pas moins son manège, va-et-vient jusqu’à l’orgasme, puis retira lentement l’objet de mes tortures et se laissa choir sur une chaise, détendue, en s’achevant avec
les doigts. Je m’effondrai sur le sol, vidée, tremblante, en larmes, honteuse, comme le sont toujours les femmes violées.


CHAPITRE II

Elle arrêta l’automobile sur une rue achalandée. C’était la fin de l’après midi, et les terrasses étaient remplies de jeunes gens rieurs. Monica me fit signe de sortir. Panique! Il me fallait cette fois affronter, en plein jour, le regard de dizaines de passants, de milliers de flâneurs. J’eus un instant d’hésitation; je l’entendis chuchoter, comme si elle ne se parlait qu’à elle-même: « si tu ne te décides pas, ça sera un coup de fouet… ça sera deux coups de fouet… ça sera… » J’ouvris la porte et fis l’effort de me lever. Effort pénible, d’ailleurs, avec ce corset paralysant, cette jupe fendue jusqu’à l’indécence et ces souliers sur lesquels il me fallut aussitôt retrouver l’équilibre.
Je refermai la porte derrière moi. Elle s’étira pour la verrouiller, et j’eus la crainte, pour un instant à peine, qu’elle ne redémarre et m’abandonne à cette foule menaçante. Elle n’en fit rien. Elle sortit à son tour, me fit signe de la rejoindre sur le trottoir et nous primes la direction sud, bras dessus bras dessous, comme deux copines en goguette, ou deux prostituées évoluant vers leur bande de trottoir, vers leur lieu de travail. La présence de Monica à mes côtés était comme une bouée contre la panique. Rarement n’ai-je eu autant besoin de la présence d’une femme pour me soutenir. C’était mon baptême de foule, ma première sortie travestie, mon inauguration au monde de la femme publique. Des sentiments mixtes se bousculaient dans ma tête: la fierté de montrer à tous ce corps qui, pour la première fois, était ce qu’il avait si souvent rêvé d’être; la peur d’être reconnue, dénoncée, bafouée; la sécurité que me procurait cette femme splendide et cruelle, marchant à mes côtés. Et la peur de l’irréversible où je sentais qu’elle m’entraînait. Et par dessous tout, le cocktail de douleurs diffuses qui agressaient ce corps modelé contre-nature, écrasement des os des pieds, engoncement du ventre et du torse jusqu’à gêner la respiration, brûlures à l’anus…

* * *
Dans le restaurant très chic où elle m’emmena finalement, grand service, champagne, musique douce et chandelles, je ne pus guère commander qu’une entrée. Le corset m’étouffait à un point tel qu’après quelques gorgées de vin et deux ou trois bouchées, j’avais l’impression d’avoir avalé comme un goinfre. C’était pourtant mon premier repas de la journée, et il était près de 18 heures !
Elle me raconta des bribes de sa vie de maîtresse professionnelle. Comment, après des études collégiales pourtant brillantes, elle laissa l’école pour vivre avec un homme riche, qui l’initia progressivement aux pratiques érotiques bizarres. Elle fut un temps son esclave consentante, puis découvrit peu à peu qu’en fait, c’est elle qui contrôlait le jeu. Elle eut tôt fait de renverser les rôles, et le mari puissant devint assez rapidement, dans l’intimité du foyer, la pâle copie d’un homme, servante hermaphrodite, totalement au service de son esclave d’hier.
C’est lui qui amena à la maison les premiers amants de Monica. À chaque fois, il feignait de quitter pour affaires, se retirait en fait dans sa chambre, revêtait son costume de bonniche, réapparaissait sous se déguisement et assistait sous ce rôle de servante aux préliminaires amoureux de son épouse avec l’autre. Au début, ce jeu sinistre l’attristait. Elle voulut changer les règles du jeu. Il la supplia, lui offrit des bijoux, lui promit des châteaux, tout, pour maintenir ce rapport dont il sortait humilié.
Un jour, sans prévenir, le mari la quitta. La jalousie avait-elle eu raison de sa soumission? Où avait-il trouvé ailleurs une maîtresse plus exigeante? C’est ainsi en tout cas qu’elle se retrouva seule, et découvrit qu’elle avait pris goût à ces jeux érotiques, à cette présence permanente d’un homme façonné femme par sa seule volonté, à l’ivresse du pouvoir absolu sur cet être transformé.
Elle fit une nouvelle conquête, puis une autre encore. Mais cette vie coûte cher. C’est ainsi qu’elle commença à monnayer ses charmes, en s’arrangeant pour ne jamais avoir à payer elle-même
de son corps. Ses amantes-esclaves allaient désormais travailler pour elle. Et j’allais être du nombre!
Puis, elle me laissa parler de moi. Elle apprit que j’étais célibataire, donc disponible, conclut-elle. Puis que j’étais journaliste à la pige, que je travaillais surtout à la maison, par téléphone, ce qui l’amena à penser que je pourrais bien conserver mon emploi, mon réseau de contacts, pour un temps du moins, avant d’assumer pleinement mon nouveau rôle d’esclave. Elle confronta nos goûts au cinéma, en musique, en politique même, et finit par établir à mon sujet un verdict fort positif.
– « Tu sais, Claudia, tu es une brave fille. Je te parais dure, sans doute, mais je suis une maîtresse compréhensive. Ce que tu vas vivre avec moi est unique. Des fois, tu auras honte, peut-être; tu te demanderas pourquoi tu fais tout ça. Mais petit à petit, tu réaliseras que cette seconde nature que je suis en train d’éveiller en toi, elle est déjà présente, là, dans ta tête. Mais il fallait une femme exceptionnelle comme moi pour te la révéler. »
– « J’ai peur de votre discours, madame Monica. J’ai peur parce que malgré ces souliers qui me torturent, malgré ce corset qui m’étouffe, malgré cette gêne insoutenable lorsque les autres hommes me regardent dans ce restaurant, malgré tout ça, je suis bien. Et je n’ai pas envie de vous quitter. Alors je me demande si ce n’est pas comme pour le chemin de l’enfer, dans nos petits catéchismes: une fois qu’on y entre, c’était, disaient-ils, comme une longue glissade sans fin, toujours plus souffrante,. jusque.. »
– « Il ne faut pas que tu aies peur, ma petite Claudia chérie. Bien sûr, tu vas souffrir parfois. Et tu vas m’en vouloir aussi, pas nécessairement pour la souffrance, d’ailleurs! Mais tu vas pouvoir vivre sans angoisse tes perversions les plus abjectes. Sans angoisse, parce que tu n’auras jamais à décider. Juste obéir! Et cette possibilité de se décharger de toute responsabilité sur ta maîtresse, tu vas voir, ça n’a pas de prix. Si tu étais né femme, comme moi, il y aurait quelque chose de tordu dans une telle obéissance. Elle ne serait que le reflet d’une culture qui nous exploite. Mais chez toi, Claudia, la servilité est noble parce qu’elle est choisie. »
– « Vous me laissez vraiment le choix, madame ? »
Il y eut un silence : « Oui, ma petite Claudia, mais pas tout de suite. Ce soir, nous irons dans un « salon" que je fréquente. Nous y lèverons tes premiers clients. C’est sans risque. Des gens que je connais uniquement, et qui savent quel genre de femmes je leur amène. Des gens aux goûts bizarre, mais ils sont sûrs, côté médical. Et puis je serai là avec toi. Je veux superviser tes débuts. Après, quand tu leur auras rendu tous les services sexuels qu’ils auront demandés, nous rentrerons chez moi. Tu devras encore boire mon urine, je te préviens, et me faire jouir comme hier. Et tu passeras encore une fois la nuit attachée, mais je suis sûre que cette fois, épuisée comme tu l’es, tu trouveras le moyen de dormir… »
« Demain, poursuivit-elle, c’est dimanche, et je reçois deux vieux clients à domicile. Je leur ai promis une surprise, et ma surprise, c’est toi, ma petite Claudia! C’est pour ça que je suis allée te chercher dans ce bar de travelos, hier soir. C’est pour eux que j’ai commencé ta transformation. Ils m’ont demandé une novice! Tu devras nous servir toute la journée. Et j’aime autant te dire tout de suite que ce sont deux boucs, ces deux là. Attends-toi à devoir les sucer quatre ou 5 fois chacun. Et ton petit cul va en connaître de toutes les couleurs demain. Je vais peut-être te faire passer la nuit avec un godemiché, d’ailleurs, pour leur ouvrir le passage. »
« Je ne sais pas quand ils vont partir. Mais après seulement, je te rends tes fringues de mâles si tu veux, et tu pourras me quitter. Dimanche soir. Pas avant ! A ce moment là, tu auras le choix de rester chez moi comme esclave, de retourner chez toi, mais en femme, avec le droit de revenir quand tu veux, ou d’effacer tout le week-end et rentrer chez toi bien sagement en homme minable. Oui, je te laisserai le choix, mais tu verras qu’on ne renonce pas facilement à la perversion. Tu ne seras plus jamais capable de vivre comme avant, Claudia. Je te regarde, et je sais qu’il est déjà trop tard. Tu es déjà devenue Claudia, mon esclave sexuelle ! »
Ce qu’elle venait de me dire me faisait profondément peur : mon initiation ce soir, cette terrible nuit en perspective, puis cette journée d’esclavage où j’allais devenir le jouet sexuel de deux obsédés de la baise. Plus que de la peur, de la répulsion ! Et pourtant, je me sentis fondre devant le regard presque tendre qu’elle me fit, lorsqu’elle m’annonça que je n’allais sans doute pas être capable de la quitter. Une journée seulement! Et elle avait raison: j’étais devenue Claudia. Je me suis mise à pleurer.
– « Allez! Pleure pas, Claudia. Ton maquillage va couler! »
– « J’ai peur. »
– « T’as peur de quoi ? Pas de moi, j’espère ? »
– « J’ai peur…hhnnf… de ne pas… pouvoir… partir ! De ne pas vouloir ! »
– « Bien sûr que tu ne voudras pas… Tu serais bien folle! Allez! Essuie tes larmes et regarde-moi dans les yeux. Et écoute bien ce que je te dis. Tu es devenue Claudia, femme, esclave, et objet sexuel. Il est trop tard pour revenir en arrière. Et si tu l’es devenue si vite, c’est que cette Claudia dormait déjà au fond de toi. C’est elle qui t’a traînée dans ce bar minable où je t’ai trouvée, hier. Et t’étais déjà moitié en femme, sous tes vêtements d’hommes. Je l’invente pas ça ! »
– « Non, bien sûr! »
– « Alors, répond-moi honnêtement. Tu es là, assise devant moi, et tu fais une très belle femme. Regarde les deux hommes, à la table voisine: ils ont pas cessé de te regarder depuis une heure. C’est pas moi qu’ils regardent, c’est surtout toi, parce qu’arrangée comme tu l’es, ma petite, tu dégages un sacré aura de sexualité ouverte ! Alors dis-moi : quand tu te sais regardée comme ça, est-ce que ça te fait paniquer, ou que ça t’excite ? »
– « Ça m’excite ! »
– « Regarde-les, les deux, là, à côté. »
J’ai tourné la tête vers eux. Ils me regardaient eux aussi. Alors, l’envie de pleurer m’a comme passé d’un seul coup. Je leur ai souri. Presque trop. J’ai eu un peu honte de ce racolage évident à l’excès, mais j’avais follement envie de séduire. Et sans pouvoir m’en empêcher, j’ai baissé le regard vers leurs pantalons. Ils étaient tous deux bandés.
Entre mes jambes, je me sentis bander à mon tour. Mais c’est curieusement dans mon cul, là où Monica avait inséré le godemiché cet après-midi là, que je perçus comme une bouffée de chaleur. « Merde, dis-je en me retournant vers Monica, je suis en train de développer des réflexes de femme. Je te jure : j’ai jamais été attirée par des gars, sauf les travestis… Et bien là, je vois ces deux là, et je me sens toute drôle à l’intérieur. J’aimerais ça avoir un vagin. J’aimerais ça qu’ils me caressent les seins. »
– « Y rien de drôle là, Claudia. T’es une femme-objet, au plus profond de toi. Et en tant que femme-objet, t’as le droit de te laisser aller, parce que ton état, tu l’as choisi. T’es devenue une obsédée sexuelle, ma petite garce. Alors regarde toi en face et accepte ton destin. Et y a pas de honte à avoir. C’est un destin enviable, que je te permettrai de vivre jusqu’à l’extase! »
– « Monica ! J’ai peur de pas savoir… J’ai peur de sombrer… Vas-tu me protéger? Vas-tu rester avec moi? » lui demandai-je avec une panique évidente dans le regard. La panique
de celle qui ne comprend plus ce qui lui arrive.
Un large sourire illumina son visage. Je ne l’avais pas encore vue aussi accueillante, et aussi menaçante en même temps, tant la satisfaction qui émanait de ce sourire marquait son triomphe total. « Oui je vais t’aider. Oui je vais rester près de toi. Mais c’est tout. Pour le reste, je n’ai absolument pas à te consulter. Tout ce que je te dis de faire, tu le fais sur-le-champ, sinon c’est le fouet. Compris ? »
– « Compris. »
– « Mais pour cette fois, je veux bien te consulter, ma petite, parce que c’est ta soirée. Ces deux hommes, à côté, est-ce que tu les trouves beaux ? »
– « Oui, très beaux… »
– « Est-ce que tu les désires ? »
– « Je sais pas… »
– « Allez, Claudia! Tu mens. Regarde ton pénis. Tu brûles de désir. »
– « …oui. Peut-être, madame. Mais j’ai peur ! »
– « Bon! Je penses pas que le risque soit bien grand de baiser avec ces deux là, ma petite Claudia. On n’est pas dans un bar gai, et je sais que ces gars n’en sont pas. Alors si tu veux bien, au lieu d’aller dans le bar où je prévoyais récolter tes premiers clients, on va ramasser ces deux oiseaux. C’est-à-dire que TU vas les ramasser. T’as déjà commencé à les exciter; ça, ça se voit. T’as qu’à pas lâcher, et ils tombent direct dans ton filet ! Tu marches ? »
– « … »
Elle balaya mon hésitation d’un revers de la main : « Ecoute-moi bien. Je vais te laisser quelques minutes. Je vais aller à la salle d’eau, me refaire une beauté. T’en as pour cinq minutes toute seule. Mais tu lâches pas ces deux-là. Et tu gardes ton sourire de tantôt. Alors, ils vont vouloir s’asseoir avec toi, et tu leur dit « oui ». Et je veux que tu les excites pour vrai. Te gênes pas pour mettre ta main sur leur queue. »
– « Mais s’ils veulent faire la même chose avec moi ? »
– « Ca, je m’en charge, dès mon retour. Mais fie-toi à mon expérience. Ce soir, tu vas te faire les dents sur ces deux mecs et ils vont payer le magot pour explorer ton petit cul… »
– « … »
– « Claudia chérie, mon esclave, bienvenue dans ton nouveau métier de prostituée de luxe chez madame Monica ! »

* * *
Lorsque Monica fut partie, je me sentis affreusement seule. Abandonnée dans un gouffre immense. Elle m’avait jusqu’ici servi d’enveloppe protectrice. Femme fatale, au sexe ambigu, mi-vamp mi-folle de cabaret, j’avais au moins Monica, ma compagne aux allures sages, comme prétexte et comme chaperon. Je me retrouvais soudainement à portée de tous les regards, poule ridicule offerte aux sarcasmes des clients de ce restaurant trop chic. Étais-je vraiment désirable, comme Monica l’affirmait ? Je risquai timidement un regard du côté des deux hommes, à la table voisine.
– « Vous n’avez pas beaucoup mangé, madame, me lança le premier. Vous n’aimez pas la table de ce restaurant ? » C’était un jeune homme à la barbe courte, aux cheveux lisses, et au costume trois pièces plutôt terne, genre représentant de commerce.
– « Je n’avais pas très faim… Et puis je suis au régime, » répondis-je, en m’efforçant d’adoucir ma voix, et en espérant que le fond de teint saurait cacher le rougissement de mon visage.
– « Vous ne voulez pas vous joindre à nous ? On pourrait faire connaissance. »
L’éternité dura quelques secondes, d’une totale confusion. Qu’allais-je faire ? Une fois de plus, Monica avait eu raison. Il avait suffi qu’elle se lève pour que les deux mecs m’invitent à leur table. Le reste du scénario allait se dérouler sur un mode aussi prévisible. Ils voudraient coucher avec moi, et ma maîtresse allait me pousser dans leurs bras. Mais merde ! J’étais encore équipée de ce sexe d’homme, honteusement raide sous ma robe où il formerait une saillie si jamais j’osais me lever. Et si j’arrivais habilement à leur dissimuler la chose, combien de temps pourrait durer le subterfuge ? Et puis, plus fondamentalement encore, étais-je, moi, prête à accepter ce rôle de prostituée que Monica m’avait confié.
Jusqu’ici, j’avais été possédée par cette femme démoniaque, incapable de m’affranchir de ces exigences. Et le destin effroyable qu’elle esquissait pour moi, je le vivais en fantasme et me laissais séduire. Mais voilà que le fantasme devenait réalité. Deux hommes m’invitaient à leur table avec le seul désir de me sauter. Et si j’acceptais l’invitation, si Monica me retrouvait parmi eux, il n’y aurait plus aucune sortie possible. Elle allait, dès son retour, reprendre le contrôle total de mes gestes, de mes désirs, de mon corps. Et j’allais obéir, jusqu’à faire tout ce que ces hommes allaient vouloir. Merde ! Mais comment allaient-ils réagir en découvrant qui j’étais ?
J’ai regardé la porte du restaurant, J’ai compté les pas qu’il me faudrait pour fuir. Je me suis levée. Mes souliers m’ont fait affreusement mal. J’ai cru que j’allais défaillir. J’ai tout de même eu le réflexe de placer ma sacoche sur le devant de ma robe, pour cacher ce qui pourrait trahir mon sexe… Puis je me suis à nouveau sentie désirable. Alors je me suis retournée vers les deux hommes, leur ai souri et me suis assise à leur table. Délicieux vertige. J’avais une fois de plus cédé, en sachant que dès le retour de Monica, le piège serait définitivement scellé. J’allais donc, ce soir, subir mon initiation comme prostituée !
Mais comment leur faire savoir la vérité ? Ne la connaissaient-ils pas déjà, en fait ? Assise entre ces deux hommes, aux arrières pensées évidentes, j’étais près de la panique. Pourvu que Monica revienne rapidement !
– « Mon nom, c’est Robert, me dit le barbu qui m’avait invité. Lui, c’est Dan. Un agent d’assurances, et un bon copain à moi. Et vous, votre nom ? »
– « Je m’appelle Claudia. Ma copine, c’est Monica. »
– « Vous savez que vous êtes une drôle de femme ? reprit Robert. Vous avez l’air toute timide, et pourtant, votre manière de vous vêtir, votre allure, sont, comment dirais-je… attirantes, quoi ! Vous faites quoi, dans la vie ? »
– « Oh ! pas grand chose… Secrétaire particulière. »
J’avais dit la première chose qui m’était venue à l’esprit. « Secrétaire ». Symbole social de la femme soumise, sans intérêt propre, qui n’existe que par la grâce de l’autre, mais qui fait, en secret, tout le travail.
– « Et votre copine ? »
– « C’est ma patronne. Elle est bien, non ? »
– « Vous aussi, vous savez, » répondit l’autre, volontairement charmeur.
Il y eut quelques secondes de silence. De malaise. Puis, ils se mirent à parler de leur boulot, comme le font tous les hommes lorsqu’ils ne savent quoi dire. Et de leurs charmes. Orgueil soigneusement cultivé du dragueur, discours qui ne trompe personne, mais qui séduit pourtant, parce qu’il meuble les silences. Et parce que les phrases délicieusement vides masquent à demi les mouvements d’approche des corps qu’elles servent à favoriser. Invasion douce mais insistante du regard, de l’épaule, de la main baladeuse.
Confuse, je répondais des banalités, toute absorbée à observer cette manœuvre, pour la première fois dans la peau de la cible. Et je compris de l’intérieur ce qui, du point de vue de l’observateur neutre, m’était toujours paru incompréhensible : pourquoi les filles, dans les bars, sont-elles si facilement séduites par des discours aussi fats ? La réponse est simple. Comme femme, je désirais ces deux hommes. Je les écoutais à peine, mais les vibrations de leurs voix alternantes me les rendaient désirables. La séduction jouait à fond. Ils n’étaient pas désagréables, au fond, et seule la crainte de laisser paraître mon sexe, maladroitement compressé entre mes jambes, m’empêchait de céder dès lors à leurs avances. Comment allaient-ils réagir ? Quand Monica reviendrait-elle prendre en charge la suite de la soirée ?
Je sentis brusquement monter en moi la panique. Et si Monica était partie ? Si elle m’avait abandonnée à ces deux hommes, sans défense, avec leur colère comme dernière humiliation lorsqu’ils comprendraient la supercherie ! Regard désespéré vers la salle d’eau… juste au moment où, quel soulagement, Monica reparut.
– « Ah ! Vous avez fait connaissance ? Je me disais aussi que ça ne tarderait pas, avec les regards que vous lui jetiez pendant le repas ! » lança-t-elle d’entrée de jeu.
– « Qu’est-ce que vous voulez ? On est des hommes. On n’est pas insensible à la beauté de votre secrétaire, » répondit celui qui s’appelait Robert.
– « Secrétaire ? C’est ce qu’elles vous a raconté ? Allez, Claudia chérie, t’es trop modeste, reprit-elle avec une malice évidente dans le regard. Claudia est mon amante. La plus délicieuse baiseuse que j’ai eue. »
La remarque, trop crue, eut l’effet d’une douche froide. Robert balbutia quelque platitude, puis se retourna vers Dan. Échange de regards déçus. Des lesbiennes, pensèrent-ils. Quelle malchance ! Mais Monica ne leur laissa guère le temps de tirer quelque conclusion. « Vous aimeriez que je vous la passe ? Pour ce soir ? Jusqu’à 2 heures, disons ? »
– « Vous ne lui demandez pas son avis, à elle ? » répondit Dan, un peu surpris de l’offre.
– « Elle est d’accord. Elle en salive depuis le début du repas. Depuis qu’elle vous a vu entrer ici qu’elle en bande. Et croyez-moi : quand elle est en chaleur, y a pas mieux qu’elle. »
– « Et vous craignez pas qu’on vous l’abîme, votre petite amie ? »
– « Elle adore ça ! N’est-ce pas, Claudia chérie ? »
Robert se tourna vers moi. J’étais rouge. Paralysée. « Et toi, tu dis rien ? »
– « … »
– « T’aimerais-ça, baiser avec nous deux ? »
– « … »
– « Et c’est quoi qui te plait ? Tes… ta… spécialité ? »
Pour toute réponse, je fis passer ma langue sur ma lèvre inférieure, comme j’imaginais qu’aurait pu le faire une putain professionnelle. Je me moulais si douillettement dans le rôle, convaincue que Monica trouverait bien la façon de leur révéler la surprise. Alors, ils se mirent à parler de moi, tous les trois, comme d’un simple accessoire de plaisir. Puis Dan risqua un geste non équivoque en direction de ma cuisse révélée par la fente de la robe. Il poursuivit un peu plus loin, jusqu’entre mes deux cuisses, où je cachais encore mon sexe, enserré entre mes jambes.
Monica l’arrêta alors, au dernier instant. « Attention, les gars ! On n’a pas parlé de prix ! »
– « Ah! parce que… vous la louez ? »
– « Si on veut, oui ! »
– « Combien ? »
– « Vous êtes deux ? Cent dollars chacun, ça serait deux
cents… Alors disons 150. Et vous pouvez lui faire tout ce que
vous voulez, jusqu’à deux heures ! Ca vous va ? »
– « Cent cinquante dollars ! Dis donc ! Vous la donnez pas ! »
– « Écoutez-moi bien, les beaux. Elle fera tout ce que vous lui demandez. Tout. Ça, c’est pas tous les jours que ça vous tombe dessus. Aucune inhibition, la petite ! L’esclave parfaite ! Alors, le prix, c’est une aubaine que je vous fais; je vous prie de me croire ! »
Ils se regardèrent, puis de nouveau vers Monica : « Bon ! C’est d’accord ! »
– « Et puis je vous laisse la facture du resto. Profitez-en : Claudia n’a presque rien mangé ! »
Monica se leva, pendant que les deux hommes comptaient les dollars qu’ils allaient lui laisser. Nouvelle montée d’angoisse. Elle ne leur avait rien dit. Elle allait m’abandonner ainsi, et je ne pourrais plus m’échapper dès lors qu’ils auraient payé. Je ne pus retenir un appel au secours : « Monica ! Tu vas pas me laisser comme ça ! »
– « Ah tiens ! Elle est plus d’accord, la grande ? »
– « Qu’est-ce qui va pas, ma Claudia. T’as peur des deux mecs ? » me demanda Monica, avec un regard attendri.
– « T’as pas peur de nous, Claudia ? demanda Dan, toujours la
main sur ma cuisse. On te fera pas de mal, voyons ! »
– « Mais c’est que… je… je… »
– « Ce que je ne vous ai pas dit, m’interrompit Monica, tout en prenant l’argent sur la table, c’est que Claudia est une transsexuelle. Et elle n’est pas encore opérée. Alors avec elle, vous avez le meilleur des deux mondes. Une femme sensuelle, avec une queue qui bande encore. Et si vous passez par dessus votre… réticence, vous apprécierez doublement ses charmes. Des mains on ne peut plus féminines, une bouche experte, des caresses sans restrictions. Vous ne trouverez pas plus cochonne en ville; ni plus docile, croyez-moi. Et en plus, elle est vierge. Personne ne l’a encore sodomisée. C’est son début ce soir. Alors, forcément, elle est propre. Alors ? Le contrat tient toujours ? »
Abasourdis, les deux hommes me regardèrent, incrédules. « Un homme ! Incroyable ! »
– « Je suis pas vraiment un homme, » protestai-je maladroitement.
– « Une travelo, c’est pas mieux. »
– « Mais si ! C’est mieux ! »
– « Qu’est-ce que t-en dit, Dan »
– « On essaie ? » Puis, se retournant vers Monica. « Tu nous assures qu’elle est… enfin …qu’il est vierge ? »
– « ELLE… Oui! Elle est vierge ! »
Monica prit l’argent, l’enferma dans sa sacoche. C’est à ce moment seulement que je compris que, au delà du jeu de rôle où elle m’avait enfermée la veille, ma séductrice venait de me « vendre » pour vrai. J’étais devenue femme objet, esclave. Mais j’étais aussi devenue marchandise. Comme on en échange au marché. Comme ces putes qu’on rencontre, à peine vêtues, dans le froid des soirs d’hiver, et qui inspirent la pitié. Me pousserait-elle aussi bas ?
« Où est-ce que je vous retrouve, à deux heures ? » demanda Monica.
Robert lui remit sa carte, avec son adresse personnelle. Ils échangèrent un sourire complice. Puis elle se retourna vers moi : « Profites bien de ces deux hommes. Ils vont faire ton éducation, ma petite. » Puis, de nouveau à leur intention : « Et vous, ne vous privez surtout pas. Claudia est la plus docile de toutes mes filles. Vous pouvez être exigeants, elle adore être humiliée ! »

* * *
Quand Monica s’éloigna de notre table, je sentis mon univers chavirer. Une fois de plus, ma maîtresse avait tout réglé à sa façon, sans la moindre ambiguïté sur le rôle d’esclave qu’elle comptait aussi me faire jouer auprès d’eux. Je n’avais rien dit, ou presque, tant mon sort me semblait arrêté d’avance.
Ces deux corps d’hommes qui m’avaient tant attirée, une demi-heure plus tôt, quand j’étais encore portée par le fantasme, me parurent dès lors repoussants. Entre mes cuisses, ma queue était redevenue flasque. Les caresses de Dan, si désirées tout à l’heure, me devenaient insupportables. Mais je n’avais plus le choix. Je devais les supporter jusqu’au bout. Elle en avait décidé ainsi, et ils avaient payé 150 $ pour un peu plus de trois heures avec moi !

CHAPITRE III

En quittant le restaurant, j’ai de nouveau senti la peur m’envahir. La peur d’être vue telle que j’étais. Mon maquillage avait-il tenu bon ? Étais-je encore présentable ? Et tous ces passants qui me regardaient, ne mesuraient-ils pas quelle affreuse caricature j’étais devenue ? Et puis il y avait la douleur, de plus en plus forte à chaque pas; j’ai cru que j’allais perdre connaissance, à cause des souliers, bien sûr, qui meurtrissaient de nouveau mes pieds, mais surtout à cause du corset qui enserrait ma taille et rendait pénible la moindre respiration. Or Dan et Robert marchaient d’un pas rapide, et j’avais peine à les suivre sans défaillir.
– « Allez! Grouilles-toi. On n’a pas toute la nuit ! »
C’est qu’ils étaient pressés, les gars, de profiter au maximum de cette « dégénérée » dont ils avaient possession pour trois heures à peine. « Dégénérée ! » C’est le nom qu’ils m’avaient donné, sur le ton d’un mépris volontairement accentué, sitôt après le départ de Monica. Et cela correspondait bien à ce que je ressentais, en imaginant ce que je projetais comme image : une fausse femme aux traits fatigués, outrageusement déguisée en putain de luxe, gambadant sans élégance derrière les deux mecs qui « se l’étaient payée », trébuchant presque à chaque pas dans ses souliers trop hauts et trop étroits, incapable de répondre autrement que par des sourires niais aux deux machos qui ne se gênaient pas pour commenter avec vulgarité les moindres détails de son anatomie !
Et pourtant, était-ce l’air frais de la nuit, la gêne causée par cette nouvelle exposition aux regards des passants, ou simplement le délice de la souffrance, mais je sentis peu à peu l’excitation revenir.
Dan s’assit au volant de sa Toyota rouge. Robert s’installa contre moi sur la banquette arrière. À peine avions-nous démarré qu’il abaissa la fermeture-éclair de sa braguette et brandit un formidable pénis en érection. « On n’a pas beaucoup de temps à perdre, ma p’tite dégénérée… Alors montre moi c’que tu sais faire comme Blow job. »
Voilà ! C’est comme ça que je fus initiée au culte du phallus ! Je n’avais jamais sucé un pénis. Et si j’avais souvent vécu pareille situation, dans mes fantasmes de travestie, jamais je n’avais ressenti avant ce soir-là le désir de franchir la barrière de l’imagination. Plus de fuite possible, désormais. Monica l’avait décidé pour moi.
Je fis un sourire complice à Robert, saisit son membre frémissant entre mes doigts et fis un effort pour y apposer mes lèvres. Mais le corset-étau qui m’enserrait la taille jusqu’à la hauteur de mes seins m’empêchait pareille gymnastique. Je me dégageai de l’emprise de Robert, vint m’agenouiller dans l’espace trop étroit entre les banquettes, esclave soumise au pied de son « prince » conquérant.
La vue en gros plan de ce pénis d’homme, et peut-être plus encore la vue de mes ongles en celluloïd rouge vif, oscillant en lentes caresses sur ce pénis étranger, l’odeur de musc qui envahissait mes narines, toute cette situation si nouvelle pour moi me parut dès lors envoûtante. Je sentis mon propre pénis s’exciter, en phase avec celui que je caressais. J’ouvris grand ma bouche. Robert pressa avec douceur ma nuque pour envelopper son sexe dans l’ouverture de mes lèvres. Je fis, de ma langue, le tour de son gland circoncis. Le goût était salé. En lubrifiant de salive l’organe qui s’agitait de plus en plus, j’entrepris un mouvement de va-et-vient méthodique avec mes lèvres, variant avec subtilité la pression sur ses muqueuses sensibles. Robert se laissa prendre au jeu. « Ooooh oui ! J’aime ça ! Ooooh oui ! Haaa… Continue… Continue… Ouiiii ! Comme ça… Haaa. C’est vrai que tu suces bien ma cochonne… Dan ! Tu sais pas ce que tu manques… Cette fille… Ooouuu ! C’est l’pied, mon Danny ! »
Plus Robert gémissait de plaisir, plus j’étais moi-même excitée. Des images se bousculaient dans ma tête, où je me voyais réduite à ce rôle de prêtresse du sexe pour deux étalons insatiables. Qu’aurais-je donné alors pour que l’autre stationne la voiture, et vienne se joindre à notre orgie, enfonçant son membre dans mon orifice anal, pendant que Robert laisserait jaillir son sperme contre mon palais, jusque dans ma gorge assoiffée. Mais la Toyota trop exiguë n’était pas propice à de telles parties. Aussi, quand Robert fut prêt à exploser dans ma bouche, après quatre ou cinq minutes, je décidai de freiner son ardeur en serrant entre mes doigts la base de son sexe, question de ne pas consommer trop vite cette excitation. Robert n’apprécia guère la manœuvre. Je reçus à pleine joue une formidable gifle : « Qui t’as dit d’arrêter, ma garce ? Quand on te demande de sucer, tu suces jusqu’au bout ! »
– « Pardonnez-moi, m’sieur », répondis-je, servile, en utilisant par réflexe le vouvoiement de l’esclave. Je repris mes caresses orales sans prendre le temps de masser ma joue endolorie.
– « Bon ça va… Comme ça c’est mieux… C’est bon ma p’tite ».
En quelques secondes à peine, je perçus de nouvelles pulsations le long de son membre. « Je viens. Jeeee viens. Ouiiii ! Avales tout… Ouiiii ! » Le jet de sperme ne vint pas tout de suite, pourtant. Robert se retenait, pour faire durer le plaisir d’avant l’orgasme, ce moment unique où l’homme se sent réduit à un sexe en fusion, et un esprit qui plane. Mais je sentais, à travers les veines gonflées de cette formidable tige de chair, et sous la peau du gland pressé près de ma gorge, les saccades internes de l’éjaculation naissante. J’appréhendais le goût de la semence, autant que je la désirais.
Le puissant jet de foutre me prit malgré tout par surprise. C’était un goût acide, un peu trop salé; vaguement semblable au goût beaucoup plus familier du liquide vaginal, mais plus prononcé, plus excessif. Plutôt désagréable en première impression. Mais dès que le second puis le troisième jaillissements vinrent emplir mon arrière-gorge, dès que j’eus la bouche pleine, le nez assailli par l’odeur, et que je commençai à avaler la substance laiteuse, ma perception se transforma. J’avalai de nouveau. Puis de nouveau encore, et encore. Jusqu’à ce que, de pulsation en pulsation, le pénis emprisonné dans mes lèvres se fut vidé de tout le sperme accumulé pendant cette soirée où Robert avait rêvé de moi, assise à l’autre table. J’en voulais de plus en plus. Je cherchais à pomper avec énergie les dernières gouttes de cette sève qui coulaient désormais sans pression de ce membre en retrait progressif.
Quelle délicieuse communion que de sentir ainsi sa bouche nourrie directement à l’organe de passion de l’être convoité. Sans cesser de parcourir de ma langue cet organe épuisé, à la recherche éperdue des derniers écoulements, des dernières odeurs, je jetai un regard rapide en direction du visage de Robert. Il paraissant comblé. Je le trouvai d’une beauté extraordinaire, à me donner envie de lui à nouveau.

* * *
Je m’étais déjà interrogée, à cause de ma fascination pour le travestissement, sur mes orientations sexuelles. En tant que femme, je fantasmais souvent sur l’homme qui allait me séduire, me prendre, me faire jouir. Mais c’était une autre femme, fictive, qui jouissait en moi. Une femme imaginaire mais entière, avec des seins et un vagin. Et dans le réel, l’homme que j’étais, lui, n’était attiré que par les femmes. Je demeurais de glace devant les autres hommes. Aucune pulsion. Aucune attirance. Seule la vue de ces travesties, brandissant leur pénis sur les scènes minables, me donnait quelque excitation, quelque envie de goûter aux plaisirs homosexuels. Encore que c’était plus souvent en prenant leur place en imagination que je me trouvais excitée.
Ce jour-là, quand Monica m’avait inséré le godemiché dans la bouche, j’avais pour la première fois ressenti la possible attraction d’un pénis. Puis au restaurant, j’avais été séduite par le désir de ces hommes. Mais cette première expérience avec le sexe d’un homme, cette première communion intime, dépassait tous mes fantasmes. Oui ! J’étais homosexuel. Ma bouche allait dorénavant rechercher cette sensation unique, lorsque le membre pris en charge vit et se vide en elle, lorsque le goût du sperme envahit tout, juste le temps d’une extase. Puis lorsque l’autre, apaisé, pose avec tendresse ses mains contre ma nuque, le temps d’une caresse.
Je regardais toujours Robert, le visage illuminé par la satisfaction obtenue. Tout chez lui me plaisait. J’étais séduite par les stéréotypes mâles que je lisais sur ses traits. Oui, je venais de basculer de l’autre côté de l’amour. Ou plutôt, non ! Je n’étais pas homosexuel. J’étais femme, tout simplement ! Monica m’avait transformée si totalement, que cette nouvelle orientation du désir n’en était qu’une conséquence inévitable.
Une pensée me vint alors. Je venais de connaître, dans cette simple « pipe », sur la banquette arrière d’une Toyota, avec un inconnu, une satisfaction quasi-totale. Et pourtant, je n’avais pas, pour ma part, connu l’orgasme. La tension du désir, la sensation de la jouissance de l’autre, le contact intime avec son plaisir, le goût sublime du liquide séminal puis son écoulant en volutes le long de mon oesophage, tout ça avait suffi pour me procurer une satisfaction telle que l’orgasme me paraissait superflu. Indésirable même, s’il risquait de venir rompre le charme de l’excitation qui me faisait tant apprécier mon état présent, malgré la compression du corset et la meurtrissure de mes pieds.
Alors je me dis que, peut-être, je pourrais un jour me mettre aux hormones. Faire pousser de vrais seins sur mon buste, rendre ma voix conforme à ce que j’étais devenue, adoucir mes traits, ma
peau, mes muscles. Devenir femme. Et tant pis si les hormones diminuent souvent l’activité du pénis. Qu’avais-je besoin de cette queue de mâle en érection trop flagrante, si j’étais devenue femme, dans mon être comme dans mes désirs, et si je n’allais plus jamais cesser de l’être désormais.

* * *
– « On est arrivé chez toi, Robert. Réveilles-toi », lança Dan, en garant l’auto.
– « Allez, ma p’tite. On y va ! » répondit Robert, à mon intention.
Je m’extirpai avec une certaine difficulté de la voiture, à cause des souliers et du corset. Robert me suivit. Dan vint nous rejoindre.
– « C’est à mon tour maintenant, ma p’tite… T’as intérêt à m’le faire aussi bien qu’à lui. Parce qu’à vous regarder, dans l’auto, j’en suis tout excité ! »
– « T’en fais pas, mon beau, répondis-je; t’auras ta chance aussi. Moi, tout ce que je demande, c’est de vous faire jouir tous les deux, en même temps. Un par en haut, un par en bas. Ca
vous intéresse ? »
– « Alors, là ! T’es vraiment une dégénérée, toi ! »
– « Bien ! Qu’est-ce que tu crois ? »
Nous étions à peine entrés chez Robert, que déjà les deux hommes s’étaient dévêtus complètement. Le pénis de Robert, qui m’était paru si énorme dans l’auto, n’était guère tendu qu’à moitié. Celui de Dan, en érection totale, était plus long, mais plus effilé, et je me dis qu’il s’insèrerait sans trop de heurt dans mon anus.
Ils ne perdirent guère de temps en mondanités. Robert vint m’aider à retirer ma robe. Je déposai mes boucles d’oreilles sur une table, mais je gardai ma perruque, mon corset, mon soutien-gorges avec les faux seins qui y étaient enserrés, mes culottes, mes bas et mes souliers. En marchant vers la chambre, je fis un effort pour maintenir ma queue coincée entre mes cuisses, afin de rompre le moins possible à leurs yeux l’illusion que j’étais femme.
Dans la chambre, une psyché renvoya mon image, et je la jugeai convenable. Je fis coucher les deux hommes, côte-à-côte, sur le lit, et caressai leur sexe, simultanément, les passant à tour de rôle de mes doigts à mes lèvres. En quelques minutes à peine, Robert fut à nouveau excité. Je m’attardai un peu plus sur le pénis plus étroit de Dan, le baignant de salive, pour qu’il s’insère en douceur dans l’orifice de mes fesses. Puis, une fois l’organe lubrifié, j’abaissai mes culottes et dirigeai la chose à
l’entrée de mon anus.
Ce fut un plaisir instantané. Aucune douleur, contrairement au godemiché trop généreux de Monica. Juste la sensation agréable de posséder totalement ce pénis, de l’enserrer entre mes fesses, jusqu’au plus profond de moi, et de sentir son gland à l’intérieur de mon cul, venir masser ma prostate. Je sentais mon propre pénis durcir entre mes jambes, à chaque phase de son va et viens anal. Je serrai désespérément mes fesses sodomisées, pour sentir un peu mieux le mouvement de cette trop mince colonne de chair qui fouillait mes intestins.
Je fis alors signe à l’autre, étendu à côté, pour qu’il vienne insérer son pénis dans ma bouche. Je reconnus aussitôt l’odeur qui m’avait donné tant de satisfaction, juste auparavant, dans l’auto. Et en parcourant de ma langue ls surface de la bête agitée, j’en reconnus les formes, devenus familières, déjà.
Alors, les deux hommes se mirent à gémir et à s’agiter, presque en phase, l’un couché sous moi, avec son sexe dans mon derrière, l’autre à genoux, son sexe dans ma bouche. Le double mouvement
des corps m’hypnotisait presque. Et je fus prise par surprise lorsque Robert eu une seconde éjaculation, dans ma gorge.
Mon corps doublement transpercé était-il devenu un canal de communication privilégié entre ces deux hommes en chaleur ? En tout cas, à peine eus-je senti le jaillissement du sperme de Robert dans ma gorge, que Dan explosa à son tour, au plus profond de moi. Quelques instants de tension, puis relâchement de tous mes muscles ! Déphasage de la baise. La double étreinte se relâcha; les deux organes, désormais rétrécis, se retirèrent. Dan et Robert firent une pause, reprenant leurs forces, à nouveau étendus sur le lit. Je n’avais pas éjaculé, mais je me sentais formidablement bien, mes forces refaites de m’être abreuvée à la source même de la vie. La nuit blanche de la veille était
oubliée. Je n’aspirais qu’à redonner vie à ces deux sexes taris, reprendre la scène, goûter à nouveau au sperme de ces hommes.
Dans la salle de bain, je refis en vitesse mon maquillage défraîchi. J’en revins avec une serviette et du savon et lavai avec soin la queue flasque de Dan. Puis, je recommençai à les masturber tous les deux. De mes mains d’abord, puis avec ma bouche, en alternance. Ils commencèrent à se parler de boulot, de vacances, d’aventures, de rêves. Conversation molle, entre de vieux amis, qui semblaient oublier pour un temps que j’étais là avec eux. Mais pourquoi en auraient-ils tenu compte ? Je n’étais qu’une esclave de passage, affairée à redonner à leur organe sa virilité fonctionnelle. Alors, il se laissaient servir, appréciant sans le dire la douceur de mes caresses, la moiteur de ma bouche qui butinait d’un à l’autre.
Quant à moi, je m’imaginais en masseuse professionnelle, concentrée sur le seul plaisir de mes clients. Et je regardais les deux hommes rassasiés. Lorsqu’ils redevinrent silencieux, je devinai comme une tristesse dans leurs yeux. Ils étaient déçus, sans doute, que leur organe résiste tant au retour du désir. Je les trouvai beaux comme des princes.

* * *
Il fallut plus d’une demi-heure, avant que je ne sentes leurs lances se dresser à nouveau. Quand, à force de patience et de caresses persistantes, ils furent enfin prêts pour la baise, je les fis changer de place.
Avec ma salive, je complétai la lubrification du pénis de Robert, que je voulais dans mon cul cette fois. La pénétration fut plus difficile, l’organe étant plus trapu. Mais les sphincters, forcés par l’autre juste avant, se relâchèrent bientôt. Quel moment délicieux que celui de la pénétration lente et profonde d’un sexe d’homme, ouvrant son chemin entre les fèces, jusqu’aux premiers replis du colon, massant au passage, puis en allers-retours successifs, la prostate et les muqueuses sensibles de l’anus ! J’enfonçai dans ma bouche la longue queue de Dan, et me retrouvai dans cette position unique, en équilibre entre ciel et terre, avec deux hommes sur le point de jouir en moi, sans autre pensée que celle de laisser mon corps se faire bercer, défoncer, labourer, emporter finalement par deux corps en extase.
L’étreinte dura plus longtemps, cette fois, mais je n’avais aucune hâte qu’elle cesse. Je prenais plaisir à laisser dans mon cul aller et venir le pénis de Robert, qui remplissait tellement mieux l’espace. Chaque retrait me laissait un peu frustrée par le vide intérieur qui se créait; chaque retour de l’organe me procurait une nouvelle bouffée de plaisir.
En même temps, avec ma langue et entre mes dents, je m’amusais à découvrir le pénis de Dan, ma seconde conquête, si différent de celui de Robert, plus mince, au goût salé moins prononcé, me sembla-t-il (ou était-ce simplement le lavage que je venais de lui accorder ?), et aussi plus nerveux, plus délicat. Et plus je me concentrais sur cet organe à explorer, plus l’autre forait mes entrailles, et plus je sentais ma propre excitation s’accroître. Jusqu’au moment où je perçus les dernières vibrations saccadées, annonciatrices du double orgasme, en phase une fois encore, qui viendrait bientôt me combler.
– « Aaaahhh ! T’es une vraie putain… » cria Dan, en éjaculant à pleine pression une décharge de sperme au goût prononcé. « Aaarrghh ! C’est bon ! »
Au sous-sol, l’autre aussi gémissait. Je fermai les yeux. Quel moment de bonheur ! Pourquoi est-ce toujours si court ? J’avalais, le plus lentement possible, pour mieux le savourer, le liquide de passion de l’homme qui se défonçait dans ma gueule. Troisième fois ce soir là. Quelle initiation mémorable !
Quand les deux hommes eurent extirpé de leur sexe jusqu’à la dernière goutte de sperme, quand ils retombèrent, épuisés, sur le lit, mon pénis était si rigide et tendu que je sentis que j’allais exploser aussitôt. Je vins le placer à l’entrée de la bouche de Robert. Allait-il me rejeter ? Il en aurait eu le droit, après tout : il avait payé pour mes services, pas pour me rendre la pareille. Et c’est en tant que femme qu’il m’avait louée. Je n’avais pas à attendre de sa part le moindre égard pour mon sexe d’homme. Pourtant, Robert entrouvrit les lèvres, me laissant insérer mon organe dans sa bouche.
L’éjaculation fut presque instantanée, libérant une charge de sperme telle qu’il ne parvint à l’avaler qu’à demi. Quel soulagement ! Depuis la veille, je n’avais pas passé une heure sans que mon pénis ne soit bandé. Pas une heure sans expérimenter quelque nouvelle torture, ou subir les séductions cruelles de Monica, puis la voracité de ces deux hommes. Plus de 24 heures de tension se libéraient d’un seul coup dans la bouche de Robert.
Mais le flux était d’une violence trop soudaine. Robert s’étouffa, et je dus retirer mon sexe de sa bouche. Je serrai alors mon pénis avec force entre mes doigts, pour en couper le flot, et me retournai vers Dan. Il refusa d’abord l’offrande, en me repoussant violemment : « J’suis pas une tapette, moi ! Va te faire voir ailleurs ! »
– « J’suis pas une tapette, moi non plus. Je suis une femme. Seulement… disons que j’ai le meilleur des deux mondes. Allez ! Laisse-toi faire. C’est entre nous trois. Ca sortira pas d’ici ! »
Robert comprit que, ayant sucé ce pénis de femme, il aurait à subir toute sa vie les sarcasmes de Dan, si ce dernier ne tombait pas à son tour sous mes charmes. Il insista : « Allez, Dan ! Sois pas straight… Y’a pas mieux que ça pour se refaire ses forces après l’amour ! » Alors Dan ouvrit la bouche à son tour, plus par épuisement que par goût, je crois, et j’y insérai aussitôt mon pénis endolori, qu’il suça avec une énergie retrouvée.

* * *
Nous nous sommes assoupis, ensuite, et c’est finalement la sonnerie de la porte qui nous tira de notre torpeur.
– « Fuck ! Déjà deux heures ! » cria Robert en se précipitant hors du lit, vers son pantalon, posé sur une chaise dans le salon.
– « Alors, ma petite dégénérée ! Tu nous a bien eus, ce soir, non ? » demanda Dan, en me regardant me lever avec peine et me jucher sur les souliers-aiguille qui attendaient aux côtés du
lit.
– « C’était super, les gars ! » dis-je, en refaisant à la hâte le contour de mes lèvres, rajustant ma perruque, mes faux seins.
– « Allez ! Habille-toi, Claudia chérie », me lança Monica en entrant dans la chambre. Puis, se retournant vers les deux autres : « Ce fut à votre goût, cette soirée de délices ? »
– « Mmouais ! »
– « Si elle ne vous a pas donné satisfaction, faut me le dire, vous savez ! Parce que moi, faut que je complète son entraînement si je veux en faire la parfaite petite pute. Alors, faut que les clients me renseignent… »
Pendant quelques instants, je ressentis une angoisse considérable. Allaient-ils dénoncer mon comportement osé, à la fin de la baise, quand j’avais insisté à mon tour pour y trouver mon plaisir. En absence de Monica, j’étais devenue une femme, et ils étaient devenus mes amants d’un soir. J’avais beaucoup donné, mais exigé en retour de ces hommes que j’avais même désiré et aimé, je crois. Monica revenue, je redevenais l’esclave soumise. Ils étaient mes « clients »; ou plutôt les clients de Monica. Je n’avais pas à les traiter autrement, et surtout pas à en exiger autre chose. De quel droit avais-je cru mériter quelque plaisir en retour
J’eus profondément honte de mon pénis, de ma libido, de ma hardiesse. Plus jamais je n’allais chercher mon plaisir ailleurs que dans la servitude. C’était juré ! Mais de grâce, qu’ils ne parlent pas, cette fois ! Sinon, je le savais, Monica ne me le pardonnerait guère, et j’aurais droit à son fouet. Je baissai les yeux, résignée.
– « Vous en faites pas, madame. Votre petite garce a été parfaite. N’est-ce pas, Dan ? »
– « Parfaite, oui ! »
J’étais sauvée. Mais pas de ma honte. Honte de n’avoir pas été qu’esclave. Honte d’avoir, en quelque sorte, trompé Monica en prenant plaisir à ces actes pour eux-mêmes, alors qu’ils ne devraient me satisfaire qu’en tant que don d’obéissance à ma maîtresse. Je m’habillai en vitesse. Monica m’aida avec la fermeture-éclair de ma robe, et nous primes congé de nos hôtes.

* * *
Dans l’auto de Monica, je ne pus m’empêcher de pleurer. Monica crut d’abord que j’avais été brusquée par les deux hommes et me demanda des détails. « Non ! Ils ont été parfaits !… Mais… »
– « Mais quoi, ma petite Claudia ? »
– « Je sais pas pourquoi je pleure… Je suis fatiguée… Je sais pas… Mais c’est que… »"
– « Allez, parle. Dis-moi ! Tu dois tout me dire, tu sais ! »
– « J’ai aimé ça, Monica, faire l’amour à ces hommes… »
– « Mais c’est bien, ça ! Et pourquoi ça te fait pleurer ? »
– « J’ai aimé ça, beaucoup ! Et je me dis que c’est pas correct. C’est à vous que j’appartiens; je devrais pas prendre plaisir ailleurs ! »
Alors Monica éclata d’un rire, aussi spontané que tendre : « Pauvre petite Claudia ! Tu t’en veux parce que tu a pris ton plaisir ailleurs qu’avec ta maîtresse ! Mais voyons donc ! Y a pas de mal à ça, ma petite enfant. En autant que c’est moi qui t’y envoies. D’ailleurs, c’est bien mieux comme ça, parce que des hommes, tu vas en voir désormais beaucoup, et t’es aussi bien d’aimer leur faire l’amour. Voyons ! Je suis peut-être cruelle, des fois, mais j’ai pas envie que tu sois malheureuse, Claudia. Allez ! Sèches tes larmes et n’y pense plus. Je veux que tu sois en forme pour demain. Alors mets-toi pas dans de telles émotions. Regarde comme ces deux-là étaient satisfaits. Crois-moi, y a rien d’autre qui compte. Et si tu y trouves ton plaisir, tant mieux ! »
– « J’avais peur que vous m’en vouliez. »
– « Non ! Et j’ai même une bonne nouvelle pour toi. J’ai décidé que, comme tu as été une bonne fille toute la journée, j’allais te laisser dormir dans un lit cette nuit. Une vraie nuit ! T’es contente ? »
– « Oui, madame Monica. »
– « Tu vas pouvoir enlever ton corset, tes souliers… respirer un peu, pour être en forme demain. Je t’ai sorti une magnifique robe de nuit, tu vas voir : t’auras l’air d’une vraie princesse, Claudia. Mais demain, je veux que tu sois en forme.


CHAPITRE IV

Je m’éveillai au premier bruit, lorsque Monica ouvrit la porte de la chambre. Elle portait un long peignoir rouge vif, en textile translucide, qui laissait entrevoir des culottes et un soutien-gorge de satin, rouges eux aussi. Ses pieds étaient chaussés dans des sandales ouvertes, à talons de sept centimètres environ.
Elle me regarda avec une certaine douceur dans le regardé mais m’adressa la parole avec un ton sans complaisance: « Tu as dix minutes pour prendre ta douche, te raser complètement. Après, tu viens me voir, pour que je t’installe à nouveau le corset. Je t’ai laissée respirer pour la nuit, mais faudrait pas que tu t’imagines que je vais souvent te donner de répit. À partir de maintenant, le corset, ça sera 24 heures sur 24, tant que tu es dans cette maison. Compris ? »
– « Oui madame. »
– « Après, on te remet ton uniforme de bonne. Je l’ai placé dans l’armoire, là. Et je te laisserai te maquiller toi-même. Faut bien que tu apprennes un peu à te débrouiller toute seule. »
– « Oui madame… Merci ! »
– « Ghyslain devrait être ici dans moins d’une heure. Et je veux que tu nous serves à déjeuner au salon dès son arrivée. Alors bouge ! »
Dans la salle de bain, il y avait deux flacons d’huile et de sels marins aux côtés de la baignoire. J’ouvris rapidement les robinets, versai un peu des deux produits. La fragrance toute féminine qui emplit la pièce me parut exaltante. Pendant que le bain s’emplissait, je saisis le rasoir que Monica avait déposé près de l’évier à mon intention. J’étais reposée. Heureuse, je crois, et j’essayais de ne pas penser à la journée qui allait commencer, aux horreurs-délices que Monica et ses clients allait m’infliger. Quand je me fus complètement rasé les jambes et le visage, je plongeai dans la baignoire, le temps de laisser les vapeurs achever de me faire sentir femme.
Je revins dans la chambre. Monica s’était assise à la table de maquillage, et avait transformé son visage en une oeuvre d’art d’une beauté étincelante. Autour de ses yeux, toute une palette de couleurs chatoyantes évoquaient le déploiement d’un papillon féerique. J’étais médusée par la beauté de ce regard. Elle remarqua mon attitude.
– « Ca fait partie de mon déguisement, pour Gyslain. Il me voit comme une reine. Il me veut inaccessible. Alors, ce maquillage un peu théâtral, c’est la ligne de premier front, la frontière infranchissable.»
– « Je vous trouve séduisante, madame Monica. Que j’aimerais avoir vos yeux ! »
– « Hélas, ma petite Claudia, j’ai d’autres projets pour toi. Toi, tu es la bonne et la putain. Il te faut un air un peu moins distingué. Des couleurs plus vives. Du rouge feu. Tu le sais bien : t’as déjà été un homme; y’a que ça, pour les exciter vraiment. Deux lèvres d’un gros rouge, qui se referment sur leur verge bien gonflée. C’est ça qui les fait venir ! » S’approchant de moi, elle ajouta d’un air un peu cruel : « Alors, j’espère que t’apprécies le gros rouge, et que t’aimes le sperme aussi, parce que Gyslain est un étalon à peu près inépuisable. Tu vas voir ! Ce soir, t’en auras les joues étirées, à force de le sucer.
Elle ne me laissa pas le temps de répondre, me fit tourner dos vers elle et commença à lacer mon corset. Je ressentis la même douleur que la veille. Elle n’y fit guère plus de cas. « Allez ! vide tes poumons, et rentre ton ventre… Un peu plus encore… Bon ça y est. »
J’étais entièrement prise dans l’étau, incapable de relâcher mon diaphragme pour respirer normalement. Essoufflée avant même que ma journée ne commence. Meurtrie dans la profondeur de mes viscères compressées. Mais je savais qu’avec les heures, les chairs allaient se laisser dompter, qu’elles allaient épouser la forme de cet instrument de torture. Après tout, le veille, n’avais-je pas passé toute la soirée, et fait plusieurs fois l’amour, vêtue de cette armure cruelle ?
Puis ce furent les bas de nylon noirs, les faux seins et le soutien-gorge, des culottes de soie et de dentelles d’une transparence affriolante et la robe de bonne noire avec ses bordures de dentelle blanche. Elle monta la fermeture éclair dans mon dos (ce que j’aurais pu difficilement faire moi-même, enchassée comme j’étais dans ce corset-étau).
Je mis ensuite les souliers, qui me parurent moins douloureux que la veille, et vint m’asseoir à la table de maquillage. Monica m’y enseigna le jeu des ombres qui peut transformer les angles d’un visage d’homme en courbes plus féminines. Puis le jeu des couleurs vives qui transforment un visage de femme en visage du désir, visage de la bête qui ne vit que du sexe des hommes. Elle fit l’inspection de mes ongles (je portais encore mes ongles rouges de la veille), puis fixa solidement à mes cheveux une perruque, d’un blond platine cette fois. Le miroir me renvoya l’image de ce que j’étais devenue : une femme-sexe. Rien d’autre.
Dans mes sous-vêtements de soie et de dentelles, je sentis ma verge se gonfler de désir face à cette image de femme vulgaire que me renvoyait le miroir.
Je me hâtai vers la cuisine. J’y avais fait le ménage la veille et je savais où trouver les principaux outils. Je mis des croissants au four, fis du café, et j’avais presque terminé de disposer la coutellerie, le sucre, le lait et les confitures sur un plateau de service, lorsque la sonnerie se fit entendre. C’était bien Ghyslain, que Monica salua avec exubérance et fit passer au salon. Deux minutes plus tard, elle me fit entrer, portant maladroitement le plateau à déjeuner.
– « Voilà donc cette chose extraordinaire dont je t’ai parlé hier, » lança Monica à son hôte, tout en me présentant de la main. Je fis un sourire poli, accompagné d’une très légère révérence. Mon corset ne me permettait guère une réaction plus manifeste.
– « Hum ! Pas mal ! répondit Ghyslain. Et est-ce qu’elle est prête à faire tout ce qu’on lui demande ? »
– « Absolument tout, » répondit Monica.
– « Alors, ma petite, demanda l’homme, c’est quoi ton nom ? »
– « Je m’appelle Claudia, monsieur. »
– « Et tu fais quoi, dans la vie ? »
– « Je suis l’esclave de madame Monica, monsieur. »
– « Ah! Ah! Ah!.. J’aime ce genre de réponse. Et vas-tu accepter d’être mon esclave, pour aujourd’hui ? »
– « Si c’est le désir de madame Monica, » répondis-je en
baissant les yeux.
Mais en fait, j’étais catastrophée. J’avais pensé que Ghyslain, comme Bob et Dan, la veille, serait un jeune homme séduisant avec qui je poursuivrais mon fantasme avec délectation. Au contraire, je venais d’apercevoir un homme au crâne presque totalement dégarni, plutôt obèse, dans la jeune cinquantaine. Bien que vêtu avec goût et sobriété, il me paraissait peu raffiné. Et il avait dans le regard une étincelle de concupiscence qui me fit sentir plus vulnérable encore que je ne l’avais été la veille. Et sur ses grosses lèvres mouillées de salive, il laissait parcourir une langue trop ostensiblement cochonne pour ne pas être ridicule et menaçante à la fois.
Comme s’il devinait mes pensées, il me dit de ne pas avoir peur de lui, tendit une main vers moi. Je m’approchai de lui, craintive. Il me prit les hanches entre ses mains grasses, me fit retourner avec une brusquerie telle que j’eus mal à maintenir mon plateau en équilibre. Il tata alors mes fesses en glissant sa main sous la jupe de mon ensemble de bonniche, contourna mes cuisses, vint placer la paume de sa main sur mon pénis. Et quand il eut jugé que la « pièce de viande » était satisfaisante, il me donna congé : « Alllez ! dépose ça ici sur la table et sers-moi. Il me faut manger si je veux être en forme pour profiter d’une belle fille comme toi ! »
Je fis donc le service, puis Monica signifia mon congé. « Va-t-en Claudia. Y’a ton lit à faire, et le ménage complet de ma chambre. Tu ranges tout. Et tu reviens quand on t’appelle. »
– « Bien madame… »
Je sortis de la pièce, sans pouvoir m’empêcher, par je ne sais quelle perversion profonde, de balancer mes fesses comme la plus vulgaire des filles du trottoir. Pourtant, cet homme obèse, que j’entendis saliver d’anticipation derrière moi, me répugnait nettement. Pourquoi alors ce jeu de la provocation. Les prostituées doivent souvent se poser cette question.

* * *

Quinze minutes plus tard, la sonnette de la porte tinta à nouveau. « Claudia ! Va répondre, s’il-te-plait, » lança Monica.
Comment ! Répondre à la porte, dans un pareil accoutrement ! Je devais bien sûr obéir, et c’est ainsi que je fis la connaissance du second « invité » de madame Monica. C’était un colosse de deux
mètres, un homme à la peau noire, musclé comme un candidat au titre de Monsieur Univers.
– « C’est toi, la nouvelle conquête de Monica ? » qu’il me demanda tout de go, en pénétrant dans le hall.
– « Je suis la nouvelle esclave de madame, monsieur… Qui dois-je annoncer ? »
– « Moi, c’est Raoul. Raoul Alexandre. Monica m’attend, je crois bien. »
J’entrai de nouveau dans le salon, suivi de Raoul. Monica tendit une main nonchalante que le colosse s’empressa de baiser cérémonieusement, en plaçant le genou au sol.
– « Et bien! Tout le monde est là, dit Monica. As-tu déjeuné, mon petit Raoul ? »
– « Oui, ma chère Monica. »
– « Et tu as rencontré ma nouvelle bonne… Alors je n’ai plus à faire de présentations. Je pense que je peux vous laisser avec elle. De toute façon, rien qu’à voir vos regards, à tous les deux, je vois bien que vous en salivez. Je vous la prête donc. Vous ne lui faites pas mal, mais à part ça, je vous permet tout. C’est sûrement la fille la plus docile que j’ai domptée depuis longtemps; alors, elle ne devrait pas faire la difficile. Pas vrai, ma petite Claudia ? »
– « Oui madame, » dis-je, en me demandant pourquoi j’acquiesçais à pareille annonce.
– « Mais si jamais elle vous résistait le moindrement, n’hésitez pas à m’appeler. Je me ferais un plaisir de la remettre en de meilleures… dispositions. Vous savez tous les deux combien j’aime pratiquer le fouet ! » ajouta-t-elle avec un air entendu qui me fit croire que ces deux là y avaient peut-être déjà goûté, eux aussi.
En quittant la pièce, Monica me jeta un dernier regard, d’une cruauté telle que j’en sentis mes jambes défaillir. Le sol semblait se dérober sous mes pas, et je dus prendre appui sur l’accoudoir d’un fauteuil pour ne pas tomber. Raoul sentit ma faiblesse et me saisit par l’avant bras. Sa main était immense. Sa prise, d’une fermeté exceptionnelle. Je me retournai vers lui avec un sourire, pour le remercier de son attention. Mais j’eus aussitôt peur, tant son regard était chargé de vice.
Il ne relâcha pas sa prise mais tira au contraire vers le sol. Je n’eus pas le choix, et me retrouvai à genoux devant lui. J’entendis Monica quitter la pièce, pendant que Raoul, déboutonnant sa braguette, en fit sortir un pénis circoncis d’une incroyable dimension. J’ouvris mes lèvres peintes en rouge trop vif et commençai à explorer avec la langue l’organe de cet athlète exceptionnel.
Ghyslain vint s’asseoir sur le fauteuil situé juste à côté de nous, de façon à avoir une vue de la scène en gros plan. De coin de l’oeil, je pus voir qu’il avait commencé à se caresser le sexe. Mais Raoul ne laissa guère plus de temps pour observer l’autre. De sa main immense comme deux continents, il enveloppa ma tête, et son sexe gonflé vint se coller au fond de ma gorge. Jusqu’à m’en étouffer, en quelques spasmes incontrôlables. Je crus que j’allais vomir.
Raoul relâcha sa prise. « Monica n’a pas eu le temps de t’entraîner à jouer les gorges profondes, ma petite putain. Faudra apprendre, car tu verras que nous sommes des étalons exigeants. N’est-ce pas, Ghyslain ? » Je n’entendis pas la réponse de l’autre, s’il y en eut. J’avais de nouveau le sexe gigantesque qui explorait l’intérieur de ma bouche, s’y avançait profondément, s’en retirait en partie, pour s’y avancer encore, dans un jeu d’allers-retours successifs que je ne contrôlais pas, ma tête prise en étau entre sa poigne énergique et son sexe dont la taille me semblait croître encore avec l’excitation.
J’essayai d’oublier qui j’étais. Ne plus penser. N’être qu’une bouche, à la merci de ce sexe, question de perdre mes dernières réticences, pour peu qu’elles puissent encore compter, de toute façon ! C’est une question de survie, je crois : lorsque l’être humain se voit réduit aux pires bassesses, sous une contrainte qu’il ne peut éviter, quelque chose en lui décroche; il devient docile et prêt à tout pour sauver sa peau. Prêt à jouir de son humiliation, même.
Dans ma bouche la colonne de chair était devenue immense, à un tel point que j’arrivais à peine à la glisser entre mes gencives, à l’envelopper dans mon palais sans que mes dents ne le meurtrissent. Mais Raoul semblait ne guère s’en soucier, et dirigeait ma bouche en tenant ma tête entre ses deux mains. J’étais devenue sa marionnette. Ne plus penser ! Faire le vide.
Puis je sentis un doigt glisser le long de la fente qui séparait mes fesses, et s’insérer doucement dans mon orifice anal. J’eus alors un instant de panique. Non. Ce n’était pas par crainte de la douleur éventuelle : je savais depuis la veille quels plaisirs le viol anal pouvait m’apporter. Mais je me demandais ce que Ghyslain allait trouver au plus profond de moi. M’étais-je bien lavée ? Allait-il découvrir un tunnel souple et accueillant ? Quelle pensée ridicule ! On était en train de me violer, aux deux orifices simultanément et ma seule préoccupation en était une d’hygiène ! Etais-je assez propre pour mes agresseurs ?
Puis cette pensée toute hygiénique fit place à une douleur soudaine. Deux doigts, trois doigts, puis bientôt toute la main, me semblait-il du moins, voulaient entrer par le passage trop étroit de mon anus. Et comme le corset trop serré que madame Monica m’avait imposé comprimait déjà mes viscères, cette intrusion ne pouvait être possible sans un déchirement de mes organes internes. Bien malgré moi, j’essayai de dégager mon derrière de l’emprise de l’obèse. Mais le sadique n’entendait pas me laisser faire : il me saisit d’une main par la taille et immobilisa de force mon fessier, tout en augmentant la pression de l’autre main. Ses doigts bougeaient comme des couleuvres et se faufilaient lentement le long de mes muqueuses en sang. Je ne pus m’empêcher de serrer les dents sous la douleur, et mordit ainsi, bien malgré moi, le sexe de l’autre.
J’entendis le hurlement de Raoul. « Ah ma petite garce ! Celle-là, tu vas me la payer ! » Je ne vis pas venir la gifle qui balaya mon visage. Puis une autre encore. Raoul était furieux. Il fallait que j’arrête sa colère. Je ne pus trouver mieux que de fondre en larmes et demander pardon.
– « Pardon, monsieur… Mais il me fait si mal ! »
– « Et alors ? T’es là pour notre plaisir… Et si on veut que tu aies mal, tant pis pour toi. T’as qu’à souffrir en silence. Mais c’est pas une raison pour mordre la graine qui va te nourrir. »"
– « Pardonnez-moi monsieur ! Je vous promet que je vais lui donner tous les soins qu’elle requiert… Toute ma tendresse… AAAArgggh !
L’autre entrait encore ses doigts de plus en plus loin dans mon anus, et ses jointures cherchaient maintenant à se frayer un passage dans l’anneau trop serré de mon sphincter. Je n’arrivais plus à reprendre mon souffle. Je sentis une bouffée de chaleur me monter à la tête. La marque des gifles sur mes joues devient brûlante. Je reçus une troisième gifle et perdis la vision des couleurs, puis le sens du haut et du bas. Je me sentis chavirer au moment où, dans un relâchement brusque, mon anus avala toute la main de mon agresseur. Ce fut ma dernière sensation avant de perdre connaissance.

* * *

Dans le noir, j’entendis d’abord la voix de Monica. Puis je sentis à nouveau la douleur atroce dans mon anus en feu. Mais la main étrangère n’y était plus. J’ouvris les yeux. Monica était penchée vers moi.
– « Bon! On dirait qu’elle se réveille… Alors ? Ça va mieux, ma petite ? »
– « … »
J’avais tenté de répondre, mais aucune voix n’était venue. Je me sentais épuisée. Monica reprit la parole : « Faites un peu plus attention, mes gros choux. Je ne l’ai que depuis avant-hier. Elle est docile, mais pas encore formée à tout recevoir. Il faut que son corps s’adapte. Alors, allez-y plus mollo. »
Je tournai la tête de côté, et vis, à moins d’un mètre, la grosse queue de Raoul, encore sortie de sa braguette. J’avais dû m’évanouir quelques instants à peine. J’ouvris de nouveau le bouche, en direction du pénis qui pendait vers moi. Raoul comprit le signe et vint placer son membre entre mes lèvres. Je recommençai à sucer avec avidité.
Plus rien ne comptait désormais. Ni ma douleur, ni le manque d’air, ni Monica, vraiment inquiète je crois. J’étais une machine à sucer et j’appréciais les pulsions électriques qui couraient dans le membre de peau ébène, le gonflement de ses veines, la montée envoûtante de l’odeur de musc, puis les ondes régulières que le géant noir transmettait à son sexe par des rotations de hanches. Je me sentais vidée. Comme une carcasse sans conscience. Juste une bouche. Comme un bébé nourri au sein, aspirant eu suçant les premières gouttes du liquide séminal, délicieux élixir salé, et attendant avec avidité le déferlement qui allait suivre. L’énergie me revint, comme si ce sexe en tension était arbre de vie auquel je puisais toutes mes forces. Comme un bébé avec le sein, je me sentais amoureuse de cette masse de chair vivante.
N’être qu’un réceptacle. Ne rien décider. N’être qu’une bouche accueillante. Boire à la source l’énergie vitale de ce sexe sur-dimensionné. Boire à tous les sexes de tous les hommes de la terre. M’ouvrir. Ouvrir mon anus en sang. Céder. Me rendre corps et âme. Je n’avais plus de force. Plus de volonté. Plus de personnalité. Plus rien. Je n’étais plus un homme, mais guère plus une femme. Une chose. Une bouche. Une langue qui explorait le relief étonnant d’un sexe en chaleur, enfoncé contre mon palais. J’attendais l’explosion. J’espérais l’explosion. Mais l’explosion ne vint pas. Au bout de longues minutes, le pénis quitta la bouche.
– « Non !… Viens encore… Viens… Je veux que tu viennes dans ma bouche… Viens ! »
– « Ghyslain. C’est à ton tour, » répondit le noir, sans prêter attention aux efforts que je faisais pour reprendre son sexe en fuite.
J’étais encore couchée. Ghyslain me fit reprendre la position à genoux. Le mouvement était difficile. Je sentis la morsure du corset. Puis il sortit son sexe bandé et me le fourra avec force entre les mâchoires. Je repris mon rôle de bouche. Mais peu à peu, la conscience me revint. Du côté droit de mon champ visuel, derrière les hanches de l’homme obèse qui vérifiait avec son sexe la souplesse de ma langue, je vis Raoul se dévêtir. Quel corps magnifique. Une musculature digne des magazines culturistes. Une peau sans poils, luisante comme le métal. Un corps à s’y abandonner complètement. Un corps de maître de harem, dominant, auquel nulle esclave ne saurait résister. Et un corps protecteur, auprès duquel on aurait envie de se faire toute petite, de se laisser bercer, vulnérable à la fois aux caresses et aux poussées de colère.
La marque des gifles se remit à chauffer sur mes joues, mais cette douleur me parut désirable, comme si je m’étais offerte, victime consentante, à un être adoré. Je fus prise d’une tendresse soudaine pour cet homme viril que mes dents avaient maladroitement blessé, et sentis remonter, du plus profond de moi, le désir de demander encore pardon, d’être à nouveau châtiée. J’étais comme ces femmes battues, amoureuses pourtant de l’homme qui les tyrannise.
Pendant que ma bouche, plus par automatisme que par plaisir, continuait à envelopper le pénis du gros homme chauve, c’est de l’autre que je me sentais possédée. Et quand il s’approcha à nouveau de moi, je sentis mon coeur battre de désir. Il se plaça près de mon dos, plaça une de ses énormes mains entre mes cuisses, tira vers l’arrière pour me forcer à cambrer le dos. Il remonta ma jupe de bonniche, baissa mes culottes de dentelles.
– « On va voir si Ghyslain a bien travaillé ton cul, ma petite, et si tu peux prendre une queue de cinq centimètres de largeur. »
Je ne pouvais pas répondre, l’autre pénis dans la bouche. Mais comme j’aurais souhaitée n’être qu’avec le géant noir qui allait bientôt me sodomiser ! Faire disparaître l’autre et me donner entièrement à ce Dieu de force brute dont mon âme souhaitait la domination, dont mon cul réclamait l’effraction !
Le gland vint se poser à l’orée de mon anus. De ma « chatte », pensais-je, tant cet orifice sensible appelait désormais la caresse des chairs mâles; tant tout mon corps de femme désirait cette pénétration profonde. Je sentis une texture froide et caoutchouteuse. Il avait recouvert son pénis d’un condom. Prudence élémentaire, compte tenu surtout de l’état où la main de l’homme chauve avait laissé mes muqueuses anales. Mais je fus quand même déçue. Comme si cette mince paroi allait m’empêcher d’entrer en contact parfait avec mon maître absolu. Que m’importaient les risques, après tout. J’étais SA chose. Il ouvrit mes fesses avec ses doigts, et sa tige durcie pénétra sans douleur dans mon canal intime. Je serrai mon sphincter sur son pénis. Il commença à se balancer. Ma bouche prit le même mouvement.
– « Ouuuiiiii… Ouuuiiiii… » gémit Ghyslain.
– « Rrrrr… aaarrrggh… » grogna Raoul, comme l’aurait fait une bête, en dominant sa victime.
Le mouvement continua de la sorte de longues minutes encore. Les deux hommes en phase, et moié corps-instrument, victime consentante et comblée de ce duo en voie d’explosion. Je ne parvenais plus à compter le nombre de fois où l’on avait exploré mon anus depuis la veille. Je n’arrivais plus à me souvenir de la peur ressentie, la première fois. Non. Mon cul était devenu un gouffre de désir, qui réclamait la chair pour le remplir. Mes sphincters étaient devenus sensibles jusqu’à l’extase aux moindres frissons des verges envahissantes. Mes parois intestinales, plus excitables encore que celles de mon pénis. J’étais faite pour être pénétrée. Tout mon corps le réclamait. Tout mon corps en vibrait de jouissance. Que m’aurait apporté de plus la possession d’un
Vagin ?

* * *

Quand l’explosion vint enfin, je crus toucher l’extase. Ce fut d’abord dans mon anus où je sentis les racines du géant noir se tordre en saccades, comme pour projeter leur sève au plus creux de mes entrailles. Deux fois. Dix fois. Vingt fois peut-être. Les secousses sismiques n’en finissaient pas. Puis ce fut le pénis de son complice à peau rose qui inonda ma bouche de sa semence chaude et salée. Et tout comme la veille, cette double décharge me parut comme un contact intime avec le bonheur à l’état pur.
Comment avais-je pu passer toutes ces années de vie sexuelle plus ou moins triste, sans soupçonner cette jouissance sublime de la double pénétration, du double orgasme ? Rien, dans ce que j’avais connu jusqu’alors, ne pouvait se comparer à cet instant magique où toutes les émotions se confondent et tous les sens se mêlent : l’odeur de la sueur de deux corps qui se vident, le goût du sperme à pleine gorge, la moiteur de ces peaux d’hommes contre ma peau, la chaleur de ma propre transpiration, la douleur de mon corps trop à l’étroit dans des vêtements de torture, la fragile sensation de la soie et des dentelles sur mon sexe hypersensible, le mélange de fierté d’avoir pu faire jouir ces deux hommes et de honte devant la déchéance de mon statut objectif; la fierté d’être femme et la honte de n’en être pas vraiment une; la fierté d’obéir à Monica et la honte de désirer bien plus cet homme au corps d’ébène dont le pénis s’agitait encore au plus profond de moi…
Une fois de plus, m’est apparu le caractère irréversible de la transformation que Monica m’avait fait subir. J’avais découvert la veille que j’étais capable de m’exciter en présence d’hommes et de désirer leur pénis plus que toute autre expérience sexuelle. Je m’étais découvert homosexuel …ou plus simplement femme attirée par le sexe des hommes. Je me découvrais désormais séduite par la force brutale, et prête à toutes les meurtrissures pour appartenir à ce maître, comme ces filles qu’on voit si souvent dans les gangs de motards, et que les maîtres s’échangent entre eux, sans même les consulter. Elles sont signes de statut social, monnaies d’échange, objets de convoitise et instruments
de plaisir. On les croit droguées, tant leur sort paraît insupportable. Mais je n’étais pas droguée, et Monica m’aurait, ce soir là, vendue à Raoul, que je n’aurais même pas protesté. Quel droit avais-je à décider de mon bonheur, quand tout m’était donné par ce pénis qui glissait maintenant en douceur hors de mon anus.
Je me relevai, et notai avec dégoût le sourire benêt de Ghyslain. Raoul était maintenant assis, le corps entièrement nu et recouvert de sueur. Ghyslain était encore vêtu et se massait le sexe d’une main nonchalante.
– « Tu vas me la préparer, mon gros ? » demanda Raoul, sans ouvrir les yeux.
– « Oui maître, » répondit Ghyslain. Et c’est alors seulement que je compris quel rapport trouble liait ces deux hommes. Le culturiste noir était dominateur. L’autre, son vassal. Mais de
quelle préparation parlaient-ils ?
Ghyslain me fit signe de le suivre dans une pièce attenante. Je regardai Raoul, de mes yeux en détresse dans l’espoir qu’il m’explique un peu ce qu’ils comptaient me faire subir. Mais il ne broncha pas. Il me fallait être docile. Je remontai mes petites culottes de dentelle, replaçai soigneusement la robe de bonne et suivit l’homme au crane dégarni.


CHAPITRE V


Je n’étais pas encore entrée dans ce petit salon du rez-de-chaussée, que Monica réservait aux ébats privés de sa clientèle très spéciale. C’était une pièce plutôt sombre, aux murs recouverts de velours bourgogne. L’ameublement antique lui donnait un air de salon bourgeois de l’époque victorienne. Un aspect très « bordel de luxe » en fait. Au centre de la pièce, un immense lit circulaire, recouvert d’un couvre-lit de satin rouge plus clair. Le long des murs, deux chaises avec des ganses de cuir aux pieds et aux bras, instruments de captivité plus que de confort. Plus à gauche, un cheval d’arçon, équipé lui aussi de nombreuses lanières. Juste à côté, sur le mur, une psyché reflétait mon image de femme un peu ridicule avec ce maquillage trop prononcé, aux contours abîmés par l’exercice oral qu’on venait de m’imposer.
Ghyslain ouvrit une garde-robe, et j’entrevis toute une collection de vêtements de scène, tulle et paillettes, lamés et soieries, filets et boas, plumes et crêpes de Chine. Une variété de couleurs et de style à me rendre malade d’envie.
– « T’en baves, hien, ma p’tite bo-bonne ! Allez. Enlève ta robe que je te mette quelque chose de plus conforme aux goûts de Raoul. »
Pendant que je descendais la fermeture-éclair dans le dos de ma robe, Ghyslain entreprit lui aussi de se dévêtir. Mais je ne regardais pas vraiment cet homme au physique peu attirant. Ce qui me fascinait, c’était le contenu du placard, véritable caverne d’Ali Baba pour une travestie comme moi. J’étais subjuguée. Quand Ghyslain fut nu, il prit dans la collection de fringues alignée devant lui une paire de cuissardes blanches aux talons très hauts et un cache-sexe mâle en cuir blanc lui aussi. Or, au lieu de me tendre ce string et ces bottes, je le vis avec étonnement les revêtir devant moi. Je me mis à observer avec fascination cet homme obèse, monté sur ces bottes de femmes, et dont le sexe, gonflé à nouveau, formait une saillie dans le cuir tendu au bas de son ventre. Image ridicule… et fascinante pourtant ! Il prit une longue cape de cuirette blanche, pour compléter son costume de mousquetaire dérisoire et efféminé.
Puisant à nouveau dans le placard aux merveilles, il me tendit une blouse translucide d’un rouge agressif, une micro-jupe de cuir noir, des bas de nylon du même rouge que la blouse, et des sandales ouvertes rouge et noires dont les talons dépassaient tout ce que Monica m’avait fait porter jusque là. « Tu enlèves tout, et tu ne gardes que ton corset, ma belle. Avec ça, tu deviendras une vraie pute. Regarde : rouge et noir. Les couleurs de la chair vive. »
Je commençai à m’habiller, avec peine, à cause du corset trop serré qui gênait les mouvements de mon corps. A cause aussi de la main fouineuse que Ghyslain laissait courir sur mes fesses et sur
mon sexe mal confiné dans sa culotte de dentelle. « C’est dommage que t’aies cette queue ridicule, car tu ferais une belle femme, tu sais ! Et si t’étais une vraie femme au lieu d’être une tapette de fond de cour, tu serais pas obligée de te farcir des gros dégueulasses comme moi ! »
Quand je fus enfin vêtue au goût de mon satyre, il me fit signe de m’asseoir sur une des deux chaises, et s’empressa de m’y emprisonner les jambes et les bras dans les ganses de cuir. J’étais maintenant entièrement à la merci de cet homme aux mains grasses et à la tête chauve, dont l’accoutrement donnait dans le genre décadent. Image de la perversité pure, parodie à la fois de la femme et de l’homme. Il s’approcha de moi, me saisit par le cou, et me força à une longue embrassade qu’il voulait passionnée. Je sentis sa grosse langue explorer ma bouche, et cet organe me parut plus répugnant encore que le pénis qu’il m’avait offert tout à l’heure. Mais je ne pouvais pas me défendre, et fis mine d’y prendre goût, consciente de ma situation de soumission totale. Mais la salive qu’il prenait plaisir à déverser dans ma bouche me faisait lever le coeur.
L’homme se mit alors à haleter avec force, lâcha ma bouche et mon cou, et vint planter devant mes lèvres la paroi de cuir de son slip gonflé. « Allez ! Lèche mon sexe, putain ! » Je fis ce qu’il me demandait. « Avec tes dents, je veux que tu baisses mon cache-sexe et que tu libères ma queue. » Je fis, un peu plus difficilement cette fois, ce qui m’était ordonné. « Suce mes boules, maintenant; prends-les entre tes lèvres, enveloppe-les; je veux qu’elles soient bien au chaud dans ta petite bouche de salope, tu m’entends ? »
– « Oui, Maître, je vous entends, » répondis-je rapidement en refermant aussitôt mes lèvres autour de la peau flasque de son scrotum, en fouillant avec la langue pour ramener dans ma bouche
les testicules qui y étaient enfouis, puis en inspirant pour que le premier testicule vienne remplir l’ouverture de mes lèvres. Je sentis le courant d’excitation se répandre dans tous le corps de l’homme, et j’en tirai moi-même un plaisir profond.
« O.K… C’est bon… Mon bâton, maintenant, et vite ! » Il retira son scrotum de ma bouche affamée et enfonça sa queue avec violence entre mes lèvres ouvertes. Il se mit ensuite à se branler dans ma cavité buccale avec frénésie. Il avait déjà éjaculé, dix minutes plus tôt. Cela lui permettait un meilleur contrôle cette fois, et j’eus l’impression que l’exercice n’allait jamais finir. Dès qu’il était sur le point de venir, il retenait quelque peu ses mouvements, compressait ses muscles et laissait la tension baisser. Puis il recommençait son agressif manège.
Monica m’avait annoncé la veille que j’aurais mal aux joues à la fin de la journée. Je comprenais pourquoi. Et j’avoue que je ne trouvais plus ma situation très érotique. Comme s’il avait
senti mon manque de concentration, il m’ordonna de regarder du côté du miroir. Ce que je vis alors me parût, de fait, plus excitant. Dans la glace, je ne voyais l’homme obèse que de biais et de dos: une longue cape de cuir blanc, et des cuissardes de femme, hautes sur talons, une jambe repliée qui venait frotter contre la mienne. Et derrière, partiellement cachée par la cape blanche, mon image de putain, dont on devinait à peine la tête blottie contre le sexe de cet agresseur au symbolisme sexuel
ambigu. L’excitation me revint à contempler cette image de décadence et je sentis mon sexe bander à nouveau sous ma micro-jupe de cuir noir.
Ainsi, quand le geyser de foutre chaud vint une seconde fois emplir mon arrière gorge, j’étais de nouveau en état de haute tension, tout à fait en phase avec celui qui, une minute auparavant, me paraissait pourtant repoussant. Ah ! mystère de la libido de l’esclave authentique !
Je pris un plaisir sublime à goûter avec délice chaque gorgée de ce liquide séminal qui descendait dans mon oesophage. Mon corps tout entier était branché aux pulsions qui secouaient le
corps de cet homme, debout devant moi. Pour la deuxième fois en moins d’une demi-heure, je sentais son sperme m’enivrer, comme un transfert d’énergie, et j’avoue que j’en ressentais une impression de puissance inouïe.
J’étais l’esclave, bien sûr; j’aurais dû en être honteuse. Mais au lieu de l’humiliation, c’est la fierté qui m’habitait d’être assez excitante pour que cet homme ait pu bander si vite, et assez experte pour l’avoir conduit aussitôt à l’extase. Et ce sentiment de puissance, c’est dans mon propre pénis que je le ressentais désormais. La tension y était énorme. Je crus que j’allais éclater, et ce n’est qu’avec beaucoup de peine que je parvins à retenir ma propre éjaculation.
Quand j’eus léché jusqu’aux dernières gouttes de son sperme, Ghyslain replaça son sexe mou dans le triangle de cuir de son slip. Cela me rendit un peu triste. J’aurais aimé recommencer aussitôt à jouer les allumeuses. Reprendre ce sexe rétréci entre mes lèvres rouges, aspirer, caresser de ma langue, envelopper, lécher le gland et les peaux flasques de sa bourse, lui redonner vie, sentir à nouveau les veines se gonfler à mesure que l’excitation reviendrait, sentir la verge s’allonger sous mon palais, dominer à ma façon cet homme en somme, en contrôlant son sexe. Mais il ne l’entendait pas ainsi. Il avait au contraire repris le contrôle total de lui-même, et avec la semelle de sa botte au talon étroit, il me repoussa avec violence contre le dossier de la chaise dont j’étais encore prisonnière.
Il retourna au placard, et y prit un large collier de cuir qu’il me serra autour du cou. Il y attacha une laisse, défit les ganses qui retenaient mes poignets et mes chevilles, et tira violemment la laisse vers l’avant et vers le sol. En équilibre difficile, sur mes sandales dont les talons devaient bien faire
12 ou 13 centimètres, je tombai à quatre pattes.
– « Allez! A quatre pattes, Fido. T’a été une bonne chienne docile. T’as bien léché le pipi de ton maître. Maintenant, il faut que tu lui sentes le cul. C’est comme ça que les chiennes font, pour reconnaître leurs proches. Tiens, Fout ton nez dans mes fesses, et sent la bonne odeur. »
Si il y avait une odeur, c’était plutôt celle du cuir et de la transpiration. L’obèse était, fort heureusement, un homme plutôt propre, et son cul ne sentait pas la merde. Je m’y risquai avec confiance, en reniflant avec force pour qu’il apprécie mon obéissance.
– « Maintenant, rentre ta langue profondément dans mon anus. T’as déjà honoré un cul de ta langue? Hien? »
– « Non, monsieur », mentis-je avec calme, oubliant que Monica m’avait demandé la même chose la veille.
– « Ah, c’est bon! Alors, tu verras: quand tu auras connu ça, quand tu y auras pris goût, le sexe avec ton pénis, t’en auras plus rien à foutre. Je te dis: pour les petite pervertie comme toi, y a que la langue qui fasse jouir. Viens. Lèches-moi. Ouiiiii. Ouiiiii. T’es une bonne chienne. Lèches encore.
Ouiiii… Rentre plus loin, maintenant. Force. Force l’entrée de mon cul. Tu vas voir comme c’est agréable! Allez, ma petite chienne servile. Ouiii… Rentre ta langue encore! »
Je sentis ses fesses s’entrouvrir, et ma langue fut enserrée dans son sphincter. Sur mes papilles, je perçus la consistance molle des muqueuses, et un peu du goût et des odeurs de défécations. Ce n’était pas répugnant, pourtant. Au contraire, ce contact intime avec l’humus de cet homme, la sensation de son sphincter anal qui se contractait comme pour expulser ma langue, la communication animale entre nos muscles, tout ça me paraissait grisant.
Sous ma jupe de cuir, mon pénis était devenu douloureux de trop d’excitation. Douleur adorable. De celle qui rendent l’homme animal, fou de désir, et pourtant prêt à tout pour ne pas jouir, pour que dure infiniment cette tension aussi pénible qu’inoubliable. Jamais de ma vie, je crois, je n’ai été aussi totalement possédé par ma pulsion sexuelle. Je n’étais plus un homme. Je n’étais plus une femme. J’étais la chienne que Ghyslain voulait que je sois, et une machine docile prête à tout pour
plaire, et prolonger ce moment d’extase.
Puis, le sphincter anal se resserra et ma langue fut expulsée de l’anus. Je poursuivis pendant quelques instants mon exploration de cet orifice maintenant refermé, jusqu’à ce que Ghyslain repousse ma tête.
– « Aaaahh… Ca va bien ma petite chienne. Viens, on va aller voir Raoul; c’est pour lui que je t’ai fait vêtir cette blouse et cette jupe. Ca lui rappelle des souvenirs. Toutes les putains qu’il encule, c’est comme ça qu’il les habille. »
En me tenant en laisse, Ghyslain me fit marcher, toujours à quatre pattes, vers la porte de la chambre. Mais comme nous nous en approchions, elle s’ouvrit et Raoul pénétra. Il sourit à la vue de l’accoutrement étrange de son copain Ghyslain. « Tiens tiens… T’as remis ta cape de grand chevalier! » Puis il se tourna vers moi, mais ne parut guère satisfait de mon accoutrement. Je baissai la tête sous son regard, passive, toujours à quatre pattes, bonne chienne docile à côté de mon
maître.
– « Allez, toi. Debout! »
Je me levai, mais j’avoue que dans ces souliers dont le talon était presque aussi haut que la longueur de mon pied, je me retrouvai dans un équilibre fragile. Et mon corset rendait mon corps rigide, m’empêchant de compenser en douceur les moindres balancements. Le résultat, je l’aperçus dans le miroir, c’était une femme à l’air gauche, dont le visage était maintenant complètement barbouillé, cheveux en bataille, tenue inélégante, avec surtout cette masse énorme qui faisait saillie sur le devant de la jupe. J’étais laide et trop ostensiblement bandée. Je compris le regard déçu du Dieu noir.
– « Grouilles-toi. Va refaire ton maquillage. Et fais-ça vite, » me lança Raoul. Puis, il ajouta, à l’intention de Ghyslain, cette fois. « Et toi, tu t’en es permis avec elle! T’as pris trop de temps, et regarde l’air qu’elle a. Bon! En attendant qu’elle revienne, tu me suces. Je veux être prêt pour la fourrer encore, dès son retour. »
Je vis Ghyslain s’agenouiller docilement devant l’athlète nu. Je le vis prendre sa verge qui, même molle, était de taille impressionnante. Quelle queue désirable! J’aurais voulu changer de place avec Ghyslain. Mais il me fallait d’abord retourner à la salle d’eau, me refaire une beauté.
Je voulus me presser; je faillis tomber contre le cadre de porte, et compris qu’il me faudrait marcher avec une attention redoublée. Quelle délicieuse impression, pourtant, que cette fragilité totale. Je m’imaginais abandonnée dans un tel état, sur la chaussée d’une rue passante. Fantasme suprême de la femme soumise, pour qui chaque pas représente à la fois un risque de chute, en même temps qu’une invitation aux hommes qu’elle croise. Me voici comme le plus vulnérable des créatures, à la merci de tous et de tout, victime de choix de quiconque surgirait, incapable de me défendre, encore moins de fuire, disponible en somme, et affichant cette disponibilité à chaque pas hésitant.
Dans mon pénis tendu, la douleur se faisait de plus en plus insupportable. À la salle de bain, je dus lutter contre l’envie de me masturber et libérer enfin cette tension oppressante. Mais je craignais, en le faisant, de diminuer ma libido et de trouver répugnantes les bassesses que ces deux hommes allaient me demander encore. Je préférais les aborder au summum de l’excitation et accepter alors plus goulûment ce qu’ils allaient exiger. Ma servilité, je le savais bien, ne venait pas de mon déguisement de fille, mais de ce sexe d’homme que le déguisement niait. Et c’est dans la tension de cet organe que je puisais de fait le courage requis pour affronter mes tortionnaires, et tout le plaisir que m’apportait cette soumission totale. L’homme est fait pour l’esclavage.
Je lavai rapidement mon visage avec une crème démaquillante, puis recommençai à appliquer le fond de teint, le rouge à lèvres, et la poudre sur les joues. Je recoiffai les cheveux de ma perruque, puis décidai d’enrichir un peu les coloris autour de mes yeux, d’y ajouter une ombre argentée, bref, de donner à mon regard un éclat scintillant digne des scènes de cabaret. Quel plaisir que ces moments consacrés au seul bonheur de se faire belle! Quelle merveille que cette soudaine transfiguration de son visage, de ses yeux, de son corps, sous la magie du maquillage. Quelles délicieuses odeurs que ces fragrances féminines, tubes et pâtes, laques et autres flacons, délices dont les hommes sont privés! J’aurais passé des heures à me soigner de la sorte, s’il n’y avait pas eu ces deux hommes qui attendaient mon retour, s’il n’y avait pas eu mon désir de les servir encore.
Car il y avait cela qui était nouveau pour moi. Oui, j’avais toujours fantasmé sur le plaisir de me faire belle. Mais là, je le faisais dans le but de devenir désirable, offerte jusqu’à la vulgarité à un homme dont le corps m’avait obsédée depuis la première minute et dont je souhaitais la pénétration dans les tréfonds de mon cul et de mon âme.
J’ajustai ma jupe de cuir noir, en m’efforçant de replier mon pénis entre mes jambes, vers l’arrière, pour cacher cette érection que me rendait ridicule. Je replaçai ma blouse translucide rouge vif. Je vis dans le miroir que j’étais redevenue une femme présentable et repris le chemin de la chambre, avec la même sensation de vulnérabilité complète, en tirant un intense bonheur de cette fragilité.
* * *
Quand j’entrai dans la chambre, Je vis Ghyslain se relever rapidement. Le pénis de Raoul était devenu une tige impressionnante, qui devait bien faire 20 centimètres. Un organe magnifique, d’un noir lustré, avec des veines en saillie qui appelaient les caresses d’une langue. Et le gland violacé qui coiffait ce sexe tendu était de taille telle que je me demandais comment il avait pu, plus tôt, s’insérer dans mon rectum. Puis je me rappelai la douleur inouïe de l’enculage au poignet qui avait précédé le viol, et je compris pourquoi ces deux là m’avaient imposé cette torture.
Mon anus ne me faisait plus mal. J’y sentais au contraire la chaleur réconfortante du foutre de Raoul, qui s’y lovait encore, et je perçus avec délice, à la vue de son pénis bandé, les contractions involontaires de mon sphincter excité; c’était ma petite chatte culière qui manifestait son impatience d’être à nouveau forcée. Raoul s’approcha de moi.
– « Tu regardes mon sexe, petite pute? »
– « C’est la plus belle chose que j’aie vu de ma vie, monsieur. Et je veux la servir! »
– « Ça adonne bien, parce que j’ai moi aussi des projets dans ce sens! Mais d’abord, couches-toi sur le lit. »
Je fis ce qu’il me demandait, et m’étendit sur le dos. Il me prit les deux jambes et les releva. L’exercice fut pénible car le corset victorien qui m’enserrait la taille et le dos refusait, lui de, courber. Il tira malgré tout mes jambes de plus en plus loin jusque derrière ma tête et tout mon dos se releva d’un bloc, sous l’emprise du corset.
Alors, saisissant une lanière que lui tendait Ghyslain, il lia ensemble mes deux chevilles et mes poignets. Je me retrouvais ainsi dans une position extrêmement désagréable, pieds et mains liées vers la tête du lit, le corps plié en deux endroits, au niveau des épaules et du cou d’abord, puis au niveau du bassin, ainsi soulevé à plus d’un demi mètre du matelas. Cette posture imposait à ma colonne vertébrale un stress pour laquelle elle n’a sûrement pas été conçue.
Combien de temps allais-je ainsi pouvoir résister, sans que quelque chose ne se brise?
Raoul ne me laissa guère le temps d’être inquiète. Il demanda à Ghyslain de tendre un condom sur son organe gigantesque, puis inséra ce pénis habillé dans la bouche de son complice, en lui demandant de saliver pour lubrifier un peu plus la membrane de caoutchouc. Quand la chose fut faite à sa satisfaction, il se plaça en face de mon cul, qu’il dut rabaisser un peu pour que l’orientation de mon anus corresponde à celle de son pénis bandé. Il lubrifia mon orifice d’un peu de gel, et commença à presser sur mon sphincter rectal.
Nouvelle douleur, accentuée par la contorsion insupportable de mon corps. Nouvelle poussée de désir aussi, au plus profond de mes viscères. L’anus se relâcha bientôt, et engouffra le bâton d’amour du géant noir en un formidable bruit de succion.
Je sentis alors, dans les profondeurs de mon ventre, le glissement du gland énorme, contre ma paroi intestinale. Je sentis la pression monter aux flancs de ma prostate. Puis de nouveau, la tension
insupportable de mon pénis. Ah! Venir! Laisser couler! n’être plus qu’un sexe mâle qui éclate dans l’univers.
Je fus prise d’un soudain étourdissement. Une bouffée de chaleur à mes tempes. Une formidable jouissance. Une irrépressible envie de rire, malgré l’inconfort de ma colonne compressée. Une sensation fulgurante le long de l’arbre de mon pénis jusque dans ses racines profondes. Une décharge électrique qui allait de mes parois intestinales caressées par se sexe de taille démesurée, jusqu’à ma prostate, et de là jusqu’à toutes les terminaisons nerveuses de mon corps, empruntant le chemin de ma colonne vertébrale. Malgré la position si douloureuse de mon corps, un frisson intense m’empêchait de souffrir et, pour de courts instants, transformait toute sensation en plaisir transcendent. Mon corps était désir. Tension sublime, qu’alimentaient les glissements allers-retours du pénis du noir dans mes viscères, progression irrésistible de sa chair dans ma chair, de plus en plus profondément, comme si l’homme voulait prendre toute la place, devenir en quelque sorte le moteur de mon corps.
Et c’est alors que j’ai connu la plus formidable éjaculation de ma vie. Tout mon sang se poussait dans mon pénis tendu. Tout mon sang faisait pression, pour rejeter le sperme, comme pour noyer l’univers entier. Les frissons parcouraient ma peau, mon échine, mon bassin où je sentais vaguement la pression des mains du maître noir. Mes cuisses se mirent à se mouvoir en saccades
incontrôlables. Mes mains étaient moites. Mes oreilles bourdonnaient. Ma gorge avait soif. Mon corps criait de toutes les pores de ma peau. Et mon pénis coulait, crachait, volait en saccades.
Je n’étais qu’un sexe. Qu’une ouverture d’écluse. Qu’un barrage qui s’effondre. Jamais je n’avais été si totalement heureuse, si totalement libre, et pourtant, si totalement captive. J’entendis, dans le lointain, mon propre cri.
– « Continueeee… AAAAAAaaaaaaaaaaahhhhhhhhh! » Puis, d’une voix plus molle, cette double prière: « J’veux qu’tu m’baises encore, maître… Oui… J’veux qu’tu m’baises encore, toute la journée, toute la nuit. »
J’avais perdu tout contact avec la réalité. Je ne sentis pas qu’on desserrait les liens, autour de mes chevilles. Je ne compris donc pas pourquoi, alors que le pénis d’acier continuait d’explorer mon bas-ventre, mes jambes retombèrent soudain sur les épaules du noir, et la pression disparut le long de ma colonne. Mais ce ne fut qu’un court moment de répit. Alors que j’étais encore en train de jouir des derniers soubresauts de mon pénis, je sentis des chairs emprisonner mon visage.
J’ouvris les yeux. Ghyslain avait enlevé son slip de cuir et venait de s’asseoir sur ma bouche. Je tendis de nouveau ma langue, pour explorer l’orifice de son anus. Coincé entre les cuisses généreuses de cet homme, je ne pouvais respirer qu’avec peine. Mais je pris le même plaisir à sentir le trou serré céder le passage à la pointe de ma langue. Tout bourdonnait dans ma tête, mais je tirai un surplus d’énergie, comme le second souffle du coureur, dans ce contact entre les papilles de ma langue et les parois internes de l’homme qui tortillait son cul pour se mouler encore plus à mon visage. Etrange « trialogue » : le corps qui m’étouffait semblait répondre aux mouvements de ma langue, et le mien, aux mouvements réguliers du pénis de l’autre.
Quand Raoul commença à jouir, la violence de la libération entraîna notre trio comme dans une vague immense. À ma grande surprise, je connus un second orgasme, sans éjaculation celui-là
(je m’étais entièrement vidée juste avant), mais un orgasme aussi total pourtant, avec des frissons qui remontaient le long de ma peau, comme des bouffées de bonheur, comme des bouffées de désir, suivies de relâchement, de pertes de conscience, jusqu’au prochain frisson. Une jouissance plus totale, même, puisqu’elle envahissait tout le corps, comme si je n’étais qu’un gigantesque clitoris, qu’un sexe de femme en transes.
Alors, dans un mouvement rapide, Ghyslain retira son cul de ma langue, se souleva à genoux, et vint placer son pénis à nouveau gonflé dans la bouche de Raoul, où il éclata à son tour, pour une troisième fois dans son cas.
Cela dura quelques secondes encore. Trois corps s’agitant en cadence. Trois corps partageant l’extase. Trois corps se nourrissant l’un de l’autre, dans un triangle vicieux. J’aurais voulu remonter ma tête, pour plonger à nouveau dans l’anus de Ghyslain, et refermer ainsi la boucle, mais sa cape de cuir blanc m’obstruait le passage et je n’avais plus de force. À cause du corset, à cause de mes mains, toujours liées et posées sur le matelas, mais à cause de l’orgasme surtout, qui m’arrachait mes dernières énergies.
Quand tout fut fini, Raoul retira son pénis de mon rectum. Nouveau frisson de plaisir dans mes chairs épuisées. Il enleva son condom, qu’il jeta dans une corbeille, et vint placer son pénis encore trempé de sperme au dessus de mes lèvres.
– « Faut me nettoyer ça, petite… Ca sera ta récompense pour m’avoir si bien fait jouir.“
J’ouvris mes lèvres, léchai soigneusement chaque centimètre carré de son gland, en quête de la moindre gouttelette de ce filtre délicieux. Puis je léchai toute la surface de cette excroissance de peau noire qui m’avait si adorablement fait jouir. J’étais à la fois amoureuse, je crois, de cet organe
exceptionnel, et reconnaissante du plaisir qu’il m’avait procuré. Alors Raoul me laissa rendre hommage à son sexe.
« Vous êtes bien tous pareils, les blancs. Hommes ou femmes, vous ne pouvez pas résister à un vrai pénis de Noir. Hein? Dis-moi que t’a jamais rien vu de pareil! »
– « J’ai jamais vu de pénis pareil, monsieur, » répondis-je, sans vraiment cesser de caresser l’organe avec mes lèvres.
– « Dis-moi que t’as honte de ton pénis ridicule de travestie. »
– « J’ai honte de mon pénis ridicule, monsieur. C’est pour ça que je suis votre esclave. »
– « Mais Ghyslain, il a un vrai pénis, lui. Et il est mon esclave quand même, reprit le Noir. Tu sais pourquoi ? Parce que les Blancs, vous ne savez pas baiser. Vous êtes des Sucker. Bons rien que pour sucer des pénis de noirs, à avaler notre sperme ou à ouvrir votre cul… C’est pas vrai, ça ? »
– « Oui, maître. Je veux sucer votre pénis. Je veux avaler votre sperme. Je veux vous appartenir… »
– « Et ouvrir ton cul ? »
– « Et ouvrir mon cul…? Vous le donner pour que vous y preniez votre plaisir… »
Certes, tout cet échange tenait plutôt du jeu. Repu, comblé par cette fausse femme dont il avait peut-être honte d’admirer la perversion et d’en avoir tiré jouissance, il cherchait à utiliser un langage ordurier pour me rabaisser. Une attitude qu’ont souvent les hommes après le viol, ou après avoir abusé d’une prostituée. Mais pourtant, mes réponses, elles, étaient sincères. Oui ! À ce moment précis du moins, j’adorais ce pénis exceptionnel, et j’aurais voulu appartenir totalement à ce noir qui m’injuriait.
Il éloigna son organe de mes lèvres. Puis, ce fut au tour de Ghyslain de profiter de ma bouche. Son sperme était plus salé, mais d’une fragrance moins prononcée. Un goût moins riche. Son pénis était plus petit, tout flasque, mais je savais dorénavant qu’il ne lui fallait qu’une quinzaine de minutes pour se gonfler à nouveau. Je le léchai avec application.
Puis, les deux hommes se levèrent et quittèrent la chambre, me laissant étendue sur le lit, mains liées, passive, épuisée, mais pleinement satisfaite. Heureuse. Follement heureuse!

CHAPITRE VI

J’aurais sans doute pu me délier les mains sans trop d’efforts. J’aurais en tout cas sûrement pu me lever. Mais on ne m’en avait pas intimé l’ordre et je n’osais faire le moindre geste sans qu’on me l’eut demandé. Je restai donc immobile sur le lit, une bonne quinzaine de minutes, pendant que, de l’autre côté de la porte, je les entendais parler et rire tous les trois, ma maîtresse et ses deux clients. Ce fut finalement Monica qui vint me chercher.
– « Tu fais la paresseuse, Claudia ? Tu t’imagines que je vais tolérer que mon esclave se prélasse dans un lit, comme ça, en plein jour ? Allez! Debout! Et vite! »
– « Pardon, madame Monica… J’attendais vos ordres! »
Monica vit alors les taches de sperme sur le couvre-lit.
– « Ah merde! » Et, en se tournant vers moi : « c’est eux qui ont fait ça? »
J’hésitai avant de répondre, mais elle me regardait et ne pouvait manquer de voir aussi les cernes sur mes bas. Et si elle regardait l’intérieur de ma jupe ou mes culottes de dentelles, je ne pourrais nier l’évidence. Alors je préférai avouer : « J’ai bien peur que ça ne soit moi, madame Monica. Eux, ils ont éjaculé dans ma bouche et dans mon… mon derrière… Y a pas une goutte que j’aie laissé coulée. Mais ils m’ont fait venir. J’ai pas pu me retenir, et… »
Scchhhllaaac! Sa main frappa avec tant de force contre ma joue gauche que je perdis l’équilibre, et tombai avec violence contre le sol. « Petite salope ! T’ai-je pas dit hier qu’il fallait que tu apprennes à te retenir. Ta petite queue de dégénérée, si t’es pas capable de la maîtriser, on va te l’enfermer dans un anneau tellement serré qu’y a pas un liquide qui va passer. J’ai des outils de torture atroce, pour les obsédées comme toi. Quand je te l’aurai arrangée comme il faut, tu vas voir que tu trouveras le moyen de ne plus jamais bander. Parce que si tu bandes, ma petite cochonne, ça va te faire tellement mal, que tu vas regretter d’être née avec une quéquette ridicule, et tu vas me supplier à genoux de ta couper, tellement t’en pourra plus de souffrir. »
Je ne savais pas ce que je devais répondre. J’étais terrifiée. Sa colère n’était pas feinte. Devais-je approuver, ou même réclamer le châtiment dont elle me menaçait, pour lui prouver mon appartenance ? Et si elle interprétait cela comme de la suffisance ? Devais-je au contraire l’implorer de m’accorder son pardon. Mais m’avait-elle accordé la parole ? Je choisis de me taire. Elle me regardait de haut, avec un air de défi. Derrière elle, Raoul et Ghyslain venaient d’entrer dans la pièce. Ça ne calma pas la colère de Monica. Elle me donna un brusque coup de botte dans les côtes : « On t’a coupé la langue, ver de terre ? »
– « Non, madame Monica. Mais j’ai honte de vous avoir déçue. Je ne sais pas quoi vous dire. Je… Je ne sais pas… Je n’aime pas vous voir en colère. j’ai peur. Je voudrais vous demander pardon… Je mérite une punition… Mais j’ai peur… Je ne sais pas quoi vous dire. »
– « Ca va! Tais toi. Lèves-toi maintenant, va vite nettoyer tes vêtements de salope, changer de bas, te refaire une beauté et reviens me voir dans le salon. Je vais placer ton pénis ridicule dans un petit harnais de torture dont tu me donneras des nouvelles, et je vais le faire devant ces deux-là pour qu’ils voient quel traitement je réserve à mes esclaves qui n’arrivent pas à contrôler leur tuyauterie. Ensuite, tu nous serviras le goûter et le champagne que Ghyslain a apporté et tu viendras te joindre à nous. »
« Quand au couvre-lit, amène le dans la salle de lavage. Mais je te préviens, ce soir, après le départ de ces deux là, tu vas devoir tout nettoyer, et tu n’échapperas pas à mon fouet. »
Je me levai avec hâte, j’eus peine à retrouver mon équilibre avec ces souliers excessifs qui n’étaient absolument pas conçus pour la marche. Je fis une courte révérence : « Bien, madame
Monica. Je vous remercie! » et je sortis.
J’avais mal à la joue gauche. je sentais encore une brûlure entre mes fesses. J’avais un peu mal aux côtes, à cause de ma chute et du coup de pied. Mais j’avais surtout mal à mon amour-propre. Non pas à cause de l’humiliation; c’était au contraire excitant. Mais je me sentais tellement incompétente.
Ca doit être ça, le sentiment des femmes battues. Plus on les engueule, plus elles se disent qu’elles sont connes, plus elles ont honte, et plus elles sont reconnaissantes envers l’homme qui, malgré cette incompétence, continue pourtant de les aimer après les avoir battues.
* * *
Je revins au salon environ cinq minutes plus tard. La marche sur ces talons acrobatiques était difficile. Àchaque pas, je devais retrouver mon équilibre. Cela conférait à mon corps un étrange balancement érotique. J’avais déjà admiré cette démarche périlleuse, dans le cas des prostituées du centre-ville. Je me rappelle avoir souvent été excité devant ces femmes fragiles qui s’offraient aux hommes de la nuit. Excité non pas en tant que client (je n’ai jamais accepté les avances de ces femmes publiques) mais par fantasme, lorsque je m’imaginais, moi, chaussée de la sorte et vêtue d’une jupe ultra-courte laissant entrevoir jusqu’à la naissance de mes fesses, compagne imaginaire de ces filles de la rue. Et bien voilà! Je vivais maintenant mon fantasme. Et j’en fus tout aussi excitée.
En m’approchant de Monica et de ses deux invités, je sentis mon pénis vibrer. Puis en voyant le corps parfait de l’athlète noir, presque nu, avec seulement une serviette jetée sur ses hanches, et avec la masse énorme de son sexe que je devinais sous la ratine, ma verge fut de nouveau en érection. Même l’autre, le clown ridicule avec ses hautes cuissardes blanches, son slip de cuir et sa cape, même lui, l’obèse, m’excitait.
Monica souleva ma jupe d’un coup sec, et montra aux deux hommes l’objet de sa colère: « Mais bon Dieu! Cette petite conne ne comprendra donc jamais. Regardez-moi ça, les gars. Elle est
encore bandée. C’est à croire qu’elle fait exprès pour me défier avec cette chose ridicule qu’elle a entre les jambes. »
Alors Monica prit sur la table un objet de métal et de cuir. Il s’agissait d’un tube étroit d’environ sept centimètres, ouvert sur toute sa longueur. Au niveau de cette ouverture, le métal se recourbait vers l’extérieur, et deux trous de chaque côté permettait d’y insérer des tiges. Elle prit mon pénis et essaya de force de le faire entrer dans le tube. Elle n’y parvenait qu’avec peine et Raoul s’offrit pour l’aider. Tenant mon derrière d’une main et le tube de l’autre, il procéda d’un coup très sec, avec une force inouïe. Je crus qu’on allait déchirer la peau sensible de ma verge, qui s’inséra malgré tout dans ce tube d’acier au gabarit pourtant trop petit. Alors, Monica installa les deux tiges, puis de petites vis qu’elle commença à serrer, refermant alors l’ouverture du tube, comme un étau comprimant mon
sexe.
La douleur était abominable. À l’intérieur de ma verge gonflée, la pression aurait dû, normalement, refouler le sang hors de l’organe. Mais cette pince de métal exerçait aussi une pression énorme sur le sphincter qui empêche justement ce reflux du sang. Le résultat était insupportable : comme si tout voulait éclater de l’intérieur.
Monica savait-elle bien ce qu’elle faisait ? La torture présentait-elle un danger de mutilation réelle. J’étais atrocement inquiète. Mais l’esclave a-t-elle d’autre choix que de faire confiance à sa maîtresse ? J’avais envie de hurler. Seuls des petits soupirs de souris captive s’échappaient de ma bouche. J’avais le souffle coupé, autant par la douleur que par le corset, l’autre, celui qui emprisonnait ma taille. Je crus que j’allais une fois de plus défaillir.
Combien de temps pourrais-je supporter cette compression qui s’accroissait encore, à chaque tour de vis? Puis je vis mon gland qui faisait désormais saillie, à l’extrémité du tube : une masse de chair bleu foncée, gorgée de sang, qui allait bientôt éclater, j’en étais sûre.
Monica cessa de serrer. Elle ramassa sur la table un capuchon de métal grillagé et le déposa sur mon gland rendu hypersensible par la tension de la peau. Au contact du grillage de métal, le gland devient encore plus douloureux. En même temps, la tension devint telle que je commençai à subir de véritables spasmes sur toute cette région de mon sexe. Des convulsions… d’orgasme! Un orgasme de douleur, plus que de plaisir, mais un orgasme quand même!
– « Regardez-moi comme elle jouit ! » fit remarquer Ghyslain, avec un amusement évident.
– « Ca, c’est pas une bonne idée, ma petite Claudia. C’était la dernière chose à faire, si tu veux mon avis » répondit Monica.
Et je compris aussitôt pourquoi. Au cœur de ma verge, le canal séminal était à ce point comprimé qu’aucun liquide ne pouvait y circuler. Alors le sperme refoulé, loin de diminuer la tension sur mon organe engoncé de métal, venait au contraire accroître la pression et provoquer une véritable brûlure intérieure sur toute la longueur de ma verge.
L’orgasme n’avait pas encore cessé d’imprimer à mon bas ventre ses incontrôlables convulsions que je sentis comme de véritables coups de poignard, au creux même de ma verge et dans mes glandes séminales engorgées. Je ne pus m’empêcher de pousser un long gémissement de douleur, et des larmes emplirent mes yeux.
– « Tais-toi, ou c’est le fouet, » lança Monica, avec impatience. Puis elle demanda à Raoul de l’aider à nouveau. Mon gland était trop gonflé. Elle n’arrivait pas à visser la capsule grillagée sur l’extrémité du tube. Raoul y alla de ses mains fortes et en moins de 15 secondes, la masse de chair violette était à son tour comprimée vers l’intérieur. Puis, Monica prit les deux lanières qui pendaient à l’arrière du tube, les enserra autour de mes deux testicules. Mon pénis devint ainsi une masse
de métal et de chairs aussi dure qu’un os. « Voilà, Claudia. Attaché comme ça, le tube pourra pas s’enlever même si tu débandes. »
Je regardai mon sexe. Il avait l’apparence d’un petit tomahawk : un manche de métal d’environ sept centimètres, sur trois ou quatre de diamètre et, à sa base, deux boules bleues tendues comme des peaux de tambour. En principe, l’extrémité grillagée aurait dû permettre d’uriner, mais la tension était telle dans cet organe réduit à des dimensions ridicules, que rien ne pourrait y passer, tant que je n’aurais pas entièrement débandé. Heureusement, mon éjaculation interne, si douloureuse encore, commençait à porter conséquence et je sentis peu à peu la pression diminuer dans mon organe emprisonné.
Ce fut un soulagement bien relatif. Monica n’attendait que ça, elle aussi, pour attacher une autre lanière, sur l’extrémité grillagée de mon pénis; elle profita alors de la souplesse relative que la fin de l’éjaculation donnait à mon organe pour le tirer vers le bas puis vers l’arrière, au moyen de cette lanière. Nouvelle douleur. Nouveau gémissement. Nouvelle perte d’équilibre vers l’avant, mais Monica avait prévu ma réaction et empêcha ma chute. Elle tendit alors la courroie de cuir à Raoul, et lui demanda de tirer, aussi fort qu’il le pouvait vers le haut. Entre mes jambes et jusqu’à la base de mes fesses, je sentis le contact froid de mon sexe de métal, désormais entièrement dissimulé vers
l’arrière. On attacha la dernière courroie à un anneau de mon corset, je crois. En tout cas le dispositif tenait en place. Monica et les deux hommes reculèrent un peu, pour regarder de
loin la femme à la jupe relevée, plantée là devant eux. « Vue d’ici, on devine même pas qu’elle a un sexe d’homme, » fit remarquer Ghyslain.
– « Tu pourrais faire un strip-tease et confondre tous les clients d’un cabaret, » ajouta Raoul.
– « Sauf si tu montres ton cul, bien sûr, » ajouta Monica. « Allez! Montre nous ton cul! »
Je me retournai dos à eux; me penchai vers l’avant. La courroie de cuir qui tenait ma verge repliée vers l’arrière exerça une tension additionnelle sur l’emprise de mon sexe. Je crus que mon scrotum allait se déchirer. Je gardai quand même la position, sachant bien que la moindre initiative de ma part me vaudrait le fouet. En position repliée, je ne pouvais plus du tout respirer. Quelques secondes encore, et j’allais perdre connaissance. C’est alors que j’entendis la voix de Monica : « Bon, Assez! Relèves-toi, baisse ta jupe et va chercher notre lunch! »
La tension diminua sur mon organe. Une fois encore, la peau avait tenu bon. Mais en marchant vers la cuisine, je réalisai que la marche était devenue un exercice encore plus pénible. Au problème d’équilibre et de respiration difficile, s’ajoutait une douleur immense entre les jambes. Il y avait encore cette sensation de brûlure apparue au moment de l’éjaculation interne, mais quelque chose de plus global aussi, comme cette douleur que ressentent les hommes, après avoir reçu un coup dans les couilles. Dans mon sexe, quelques veines avaient sans doute éclaté. Dans la cuisine, je ne pus retenir plus longtemps mes larmes, et c’est avec les yeux plein d’eau que je plaçai sur un grand plateau, l’assiette de charcuteries et de fromages, le champagne et les couverts pour trois personnes.
* * *
Juste au moment où je pénétrais au salon, je sentis comme une gouttelette humide couler à l’intérieur de ma cuisse. Je pensai à ces femmes qui, après l’amour, sentent avec plaisir couler sur leurs cuisses le sperme liquéfié de leur amant. Mais c’était mon propre sperme qui se libérait désormais goutte à goutte du tube de métal où mon sexe était emprisonné. J’eus peur de souiller la
tapis du salon, et demandai à Monica la permission de prendre congé.
– « Puis-je retourner à la cuisine, madame? »
– « Non, Claudia. Tu restes avec nous. Assieds-toi. »
– « C’est que, madame… J’ai une urgence. Si je m’assoies, je vais salir vos meubles. »
Monica comprit ce qui se passait. Elle me fit retourner, essuya le liquide sur mes cuisses, plaça un kleenex à l’extrémité de ma verge, entre mes fesses, et m’ordonna de m’asseoir. Cette fois j’obéis. Mais ce qui aurait dû être un soulagement pour mes pieds se révélait au contraire une torture additionnelle.
Quand j’étais assise, cela tendait encore plus la lanière maintenant mon pénis couché contre mes fesses et augmentait la traction ressentie par mes chairs. En outre, mes testicules tendus se retrouvaient coincés sous mon poids contre le cuir du fauteuil, menaçant d’éclater. Je cherchai en vain une position confortable, mais chaque mouvement de mon corps ajoutait au supplice. Je resserrai les dents en m’efforçant de ne pas trop laisser paraître ma douleur.
N’eût été de cette souffrance, le repas m’aurait paru plutôt sympathique. En fait, leur repas, aurais-je dû écrire, car ils ne m’offrirent pas la moindre bouchée. D’ailleurs, ceinte comme je l’étais dans mon corset, je n’aurais rien pu avaler. Je restais là, simplement, à souffrir en écoutant Raoul et Ghyslain échanger des souvenirs ou raconter à Monica les anecdotes et les banalités de leur vie quotidienne.
J’ai compris que Ghyslain était un ancien ami du mari de Monica. Il était de ceux que cet homme avait amené à la maison pour qu’ils fassent l’amour à sa femme, pendant que lui, en tenue d’esclave féminisé, allait servir les amants et se laisser humilier. C’est de cette époque que Ghyslain, comme Monica d’ailleurs, avait acquis ce goût pour les esclaves travestis.
Après le départ du mari, Ghyslain avait continué à fréquenter Monica et ils avaient fait l’amour à l’occasion. Mais l’absence de l’homme-femme servante à leurs côtés enlevait beaucoup à l’érotisme de la chose. Alors, quand Monica avait découvert qu’elle ne pouvait plus se passer de cet aspect de sa sexualité, quand elle avait commencé à jouer les maîtresses autoritaires, Ghyslain avait été parmi les premières victimes choisies.
Comme il n’était pas, malgré quelques fantasmes, du genre à apprécier la soumission totale, en dehors des courtes sessions amoureuses, Monica lui avait bientôt refusé son corps, tant et aussi longtemps qu’il ne deviendrait pas son esclave à 100 pour cent. Depuis deux ans au moins, ces deux là ne faisaient donc plus l’amour ensemble, ce qui n’empêchait pas Ghyslain de désirer follement Monica, et Monica de le considérer comme un ami proche auquel elle continuait d’offrir le luxe de la baise avec ses nouveaux esclaves, s’il acceptait de payer, bien sûr.
Raoul était un professeur d’éducation physique que Monica avait rencontré dans un bar particulier, où il lui arrivait de rechercher des clients pour ses sessions érotiques. Monica avait été séduite par la beauté de ce corps de géant, ce que je comprenais fort bien, étant moi-aussi tombée sous le charme. Ils avaient sans doute souvent fait l’amour, bien qu’en présence de Ghyslain, leurs allusions à ce sujet n’étaient qu’habilement suggestives. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que si Monica adoptait des attitudes de dominatrices, ou du moins distantes, avec Ghyslain, un ami de longue date pourtant, il en allait tout autrement avec Raoul. Elle semblait même, parfois, prête à
le servir. Et Ghyslain en ressentait une jalousie profonde.
J’apprendrai par la suite, d’une confidence de Monica, qu’elle avait un jour poussé la cruauté envers Ghyslain jusqu’à lui imposer, comme épreuve à franchir s’il voulait passer à nouveau une nuit avec elle, de se soumettre d’abord aux désirs sexuels du noir. Et c’est ainsi que Ghyslain avait été pour la première fois sodomisé par l’athlète, et que s’était développé entre eux cet étrange rapport, parfois maître-esclave, le plus souvent d’amitié. Quand à Monica, avait-elle tenu parole, après cette soumission de Ghyslain aux caprices du noir ? Je ne l’ai jamais su, bien que certaines paroles de Monica me laissent croire qu’il n’en fut rien.
Monica avait beaucoup d’autres clients, occasionnels ou réguliers. Ghyslain et Raoul faisaient partie de son cercle le plus intime. Entre les trois, il y avait donc plus qu’une relation d’affaire; mais c’était une amitié trouble, comme le sont toujours ces rapports intimes fondés sur quelque perversion, où chaque partenaire connaît les faiblesses les plus secrètes des autres et peut au besoin tirer les bonnes ficelles. Il n’en reste pas moins que dans les moments de détente, comme pendant ce repas du midi arrosé de champagne, les échanges pouvaient devenir des plus agréables.
J’écoutais donc avec plaisir cette conversation amicale, en silence bien sûr, et toujours attentive aux moindres besoins de chacun, pour donner un service impeccable. Une coupe à remplir ici, une couteau qu’il fallait aller chercher à la cuisine, pour remplacer celui que Raoul avait échappé au sol, une serviette à tendre à Monica, le disque à retourner, etc. Il y avait en fait, dans mon empressement d’esclave efficace, autant le soulagement de ne pas devoir rester assise avec mon sexe en torture, que le désir de plaire à ma maîtresse et à ses clients.
* * *
Un peu avant quatorze heures, Monica annonça qu’elle avait un nouveau client à recevoir, un homme soumis qu’elle devrait dompter. Elle laissait donc ses invités avec « la petite bonne » en leur confirmant qu’ils pouvaient abuser de moi encore, et de toutes les façons, à condition de ne pas la déranger pour la prochaine heure. Et de lui laisser le salon et la chambre de torture du sous-sol. Elle quitta ensuite, et je me retrouvai à nouveau seule avec Ghyslain et Raoul.

CHAPITRE VII

Avant de retourner au salon, Raoul m’offrit quelques biscuits et un peu de fromage. Je refusai. J’avais tant de peine à respirer que je n’imaginais même pas comment j’aurais pu avaler. Il insista malgré tout avec force: « T’as rien mangé depuis le matinée et j’ai pas envie que tu perdes connaissance dans nos bras. Surtout avec les traitements qu’on te fait subir… T’as besoin de toutes tes forces. »
Je me dis qu’il avait raison et fis un effort. Les aliments franchissaient avec peine mon oesophage, mais, en fin de compte, je me sentis beaucoup plus forte après quelques bouchées. Les
deux hommes me regardaient avec délectation, en échangeant quelques vulgarités que je feignais de ne pas écouter.
Puis, la sonnerie se fit entendre. Monica traversa le salon et nous fit signe de déguerpir. Son invité exigeait la discrétion. Ghyslain, juché sur ses hautes bottes blanches, avec sa cape qui tombait à mi-jambe, nous précéda dans le petit salon rouge où les deux hommes avaient, le matin, abusé de mon corps. Raoul, presque nu, avec une serviette enroulée sur ses hanches, fermait la marche derrière moi, en me soufflant à l’oreille des choses obsènes qui, de lui, me paraissaient agréables. Mais je ressentais toujours la même douleur dans mon corps et dans mon sexe compressés, la même difficulté à tenir mon équilibre, la même angoisse face à ce qu’ils allaient me faire subir, la même excitation pourtant, et surtout le même désir irrépressible de goûter à ce corps noir, d’être SA chose.
« Merde! J’suis pas allé pisser », lacha Ghyslain, en entrant dans le salon. « Et on a une heure à attendre dans cette chambre maintenant! »
– « Bah, ça sera pas une heure. Dans cinq minutes, Monica va descendre avec son visiteur au sous-sol. Tu peux bien te retenir cinq minutes, » dit Raoul.
– « Cinq minutes ? Peut-être bien… Mais je vois pas pourquoi je le ferais, » lui répondit Ghyslain, avec un regard vers moi, chargé de sous-entendu.
Il sortit son pénis bandé de son string de cuir. Je savais bien ce qu’il attendait de moi et cette perspective me faisait horreur. J’essayais de voir, rapidement, comment je pouvais échapper à ce projet repoussant, mais rien ne me venait à l’esprit. J’implorai Raoul du regard, dans l’espoir qu’il
retienne Ghyslain. Il l’encouragea au contraire : « C’est vrai qu’on lui a pas offert de champagne, la petite, avec son repas. »
– « C’est vrai ça… Tu dois avoir soif, Claudia chérie ? »
– « Non… Je vous en prie ! » répondis-je, la voix brisée par la peur, en reculant quelque peu.
Je n’avais pas aimé le goût acre et salé de l’urine de Monica, le premier soir. Cela m’avait donné un véritable haut-le-cœur. Elle m’avait annoncé par la suite que je devrais apprendre à l’aimer, mais n’avait pas mis sa menace à exécution et j’avais fini par croire que c’était une menace sans portée. Mais l’idée de boire directement à la source ce liquide jaune à l’odeur repoussante et au goût acide, la perspective d’un haut-le-cœur avec, cette fois, mon corps cintré dans ce corset démoniaque, cela me semblait conduire à la catastrophe. Comment allais-je éviter de vomir ?
Devant mon hésitation trop manifeste, Ghyslain parut perdre patience: « Qu’est-ce que t’attends, salope ? À genoux ! »
Je reculai un pas, en balbutiant un faible « S’il vous plait, Monsieur ! » Derrière moi, Raoul leva ma jupe. J’entendis un très bref sifflement, comme une tige souple qui fend l’air, et je ressentis un terrible déchirement de part et d’autres de mes fesses. Je venais de recevoir un premier coup de cravache sur le fessier, et le noir avait de nouveau le bras levé, prêt à m’administrer une seconde correction. En une fraction de seconde, j’étais à genoux, bouche entre-ouverte.
« L’as-tu entendue me dire merci, Ghyslain ? »
– « Non! J’ai rien entendu, moi… »
– « Merci, maître ! » m’empressai-je de balbutier, avant que le géant noir me frappe à nouveau.
– « Aaahh ! Voilà qui est mieux. Mais à l’avenir, ma fille, faudra pas qu’on ait à te le demander. Sinon, c’est deux coups de plus. »
– « Oui maître. »
– « Maintenant, donnes ta bouche à mon ami Ghyslain. Il a un peu de champagne pour toi.
J’ouvris grand la bouche et Ghyslain y introduisit son vit bandé. Plus par réflexe que consciemment, je refermai mes lèvres et commençai à caresser la hampe de son organe qui semblait
pulser de plaisir sous les mouvements de ma langue.
Le jet d’urine me prit par surprise. Un liquide chaud, salé, au goût acide prononcé, vint, avec une forte pression, s’engouffrer au fond de mon palais. Je faillis étouffer et Ghyslain, attentif tout de même aux difficultés de son esclave, interrompit aussitôt le torrent. Je repris péniblement mon souffle. Ghyslain libéra à nouveau ses sphincters. Un jet plus doux cette fois, qui me permit de tout avaler au fur et à mesure.
En fait, comme le fluide passait directement de l’organe de l’obèse à ma gorge ouverte, je n’en sentais pas l’odeur, et le goûtais à peine, de telle sorte que le supplice me parut plus supportable que l’avant-veille, lorsque j’avais dû boire au verre le champagne de ma maîtresse. J’y trouvai même quelque excitation perverse, de me trouver ainsi rabaissé au rang d’une simple pissotière pour cet homme sans charme, pendant que l’autre, ce noir au corps magnifique, s’amusait à jouer en douceur de sa main de géant sur mes fesses encore chaudes. N’être qu’un objet de plaisir. Appartenir à l’autre. Totalement, sans volonté propre, sans réserve aucune. Être utilisé à son gré, même pour les choses les plus abjectes, et y prendre plaisir! Obéir et oublier le reste.
Un malaise me tira rapidement de cette douce rêverie. Le jet d’urine continuait à couler contre mon palais, et j’avais de plus en plus de peine à en suivre le rythme. Entre les gorgées, je n’arrivais plus à reprendre mon souffle. Combien de temps sa vessie allait-elle ainsi se vider ? Et puis il y avait mon corseté trop serré, qui comprimait mon estomac et rendait difficile mes efforts pour avaler. Je commençai à perdre le souffle et ne pus refreiner un faible toussotement. Des gouttes d’urine giclèrent sur le slip de cuir de l’homme dont j’étais devenu le pot de chambre.
– « Merde! » lança Ghyslain, furieux, en cessant d’uriner et en retirant son pénis aussitôt. « On t’a jamais dit, petite pute, que le liquide de ton maître, c’est précieux ? Chaque goutte que tu perds, c’est un coup de fouet sur tes miches. T’as compris ? »
– « Oui maître », répondis-je, à la fois soumise et craintive.
Mais en fait, j’étais honteuse. Et toujours pour la même raison : je me sentais, une fois de plus, incompétente, et m’en faisais le reproche. Quelle émotion bête, quand j’y pense ! On me traitait comme la pire des ordures, on me pissait dessus, et au lieu de me révolter, tout ce que je trouvais à me dire, c’est que je ne savais pas faire adéquatement ce qu’on me demandait, que je n’étais pas une bonne esclave, que je ne valais même pas l’attention méprisante de mes maîtres, que Monica me gronderait.
Alors j’ouvris la bouche à nouveau, vers le sexe de Ghyslain, bien décidée cette fois à tout avaler. Il recommença à uriner, d’un jet plus faible, que j’avalai sans peine, un peu plus fière de moi déjà.
Quand il se fut complètement vidé, il me demanda de lécher les gouttes d’urine qui perlaient sur son string de cuir et autour de son pubis. Je le fis avec application. Puis il se retira. Je n’attendis pas qu’on me fouette et je lui fis un sourire en lui disant « merci ». Et le plus incroyable, c’est que je crois que c’était tout à fait sincère. Je lui étais reconnaissante de m’avoir appris à boire son champagne.
– « As-tu envie, Raoul ? C’est à ton tour ».
Je me retournai avec angoisse vers le sexe de l’autre. Ce n’était plus parce que l’odeur et le goût du fluide doré me paraissaient répugnants. Au contraire, je m’y étais somme toute habituée pendant cette longue absorption forcée du contenu de la vessie de Ghyslain. Mais c’était le corset qui serrait mes entrailles, et refoulait vers le haut le contenu de mon estomac. J’avais maintenant des crampes au milieu du ventre, et sentais qu’au premier moment, je risquais de vomir. Comment allais-je pouvoir avaler une goutte de plus ?
Je me rappelai que, dans les livres d’histoire, on raconte que les femmes de l’époque victorienne, qu’on forçait de la sorte dans des corsets de torture, pour leur donner taille de guêpe, régurgitaient souvent les repas qu’elles parvenaient à peine à entamer. Je paniquai devant la possibilité que cela se produise ici, devant ces deux hommes que je devais servir.
– « Non! Je préfère rester bandé encore un peu. Ca m’excite, » répondit le noir, en déclinant l’offre de m’utiliser à son tour comme urinoir.
Je ne pus réprimer un sourire, et quand le noir s’assit au bord du lit, quand il tendit son pénis vers moi, c’est avec un bonheur réel que je recommençai à envelopper de mes lèvres, de ma langue, puis de mes joues entières ce membre démesuré, aux veines proéminentes, dont chaque pulsion me procurait un début de jouissance, comme si mon âme s’était branchée directement sur ce mat vivant; * * *
Je commençai lentement, puis de plus en plus vite, à glisser mes lèvres sur cette masse de chair. Je n’arrivais pas à en avaler plus du quart, je crois. Mais à chaque mouvement, l’homme poussait un peu plus loin, ses mains contre ma nuque et je sentais la tige de vie, de taille toujours croissante, s’enfoncer de plus en plus contre ma luette. Malaise au début : la gorge, par réflexe, cherchait à repousser l’envahisseur. Il fallait que je lutte contre mes propres réactions, en me concentrant sur une possible détente de ces muscles internes aux contractions involontaires. Effort de respiration lente par le nez. Effort pour trouver des mouvements de l’arrière gorge qui puissent neutraliser ce besoin de vomir.
Je fis geste d’avaler et je sentis soudain quelque chose se relâcher, comme si mon arrière palais s’ouvrait brusquement. J’aspirai rapidement de l’air par mes narines ouvertes, mais tous les conduits se bouchèrent alors, au moment où je sentis le gland du géant noir s’enfoncer au plus creux, jusque dans mon oesophage. Une fraction de seconde, j’ai pensé au film « Deep Throat » et me suis dit que je venais de réussir la performance la plus totale qu’on puisse attendre de la fellation. Mais une fraction de seconde encore et ce fut la panique. Je n’avais plus le moindre accès à l’air libre. Ce gland gigantesque était coincé dans ma gorge et sa taille démesurée bouchait même les parois de mon nez. J’essayai de recracher, mais c’était impossible. Toute mon arrière bouche était paralysée, ainsi empalée sur le sexe du noir dominateur.
Je commençai à me débattre, furieusement. J’entendis le noir appeler l’autre à l’aide, sans pouvoir comprendre, tant mes oreilles bourdonnaient. Puis je sentis des bras m’enserrer avec force. Les mains de Raoul serraient de plus en plus fort contre ma nuque. Je fus complètement immobilisée. Quinze secondes. Vingt. Trente peut-être, sans pouvoir respirer. J’eus le temps de penser que j’étais en train de mourir, victime impuissante de deux sadiques; qu’ils allaient jouir dans mon corps, tout
absorbés à leur propre plaisir érotique, et me laisseraient choir, morte d’asphyxie.
Tous mes muscles se relâchèrent. j’allais perdre conscience, faute d’air ou faute de volonté de vivre, lorsque je sentis, mais à peine, au fond de ma gorge, l’organe coincé s’agiter. Raoul éjaculait en saccades, directement dans mon oesophage.
Il y eut un bruit de succion puis, comme un vortex formidable, je sentis l’air s’engouffrer à nouveau dans mes poumons. Combien de temps avait duré mon supplice ? Avais-je perdu conscience ? Où n’étais-je demeurée qu’une minute ou deux, en tout, dans cette léthargie impuissante ? En tout cas, à la première bouffée d’air, je sentis la vie se répandre dans mes veines. Mais l’air ne suivait pas, à cause de l’étau qui enserrait encore mes poumons. J’haletais en souffles courts, comme une chienne en chaleur, mais le sang n’arrivait pas à se purifier vraiment dans mes alvéoles comprimées. Alors tout bourdonnait dans ma tête, et je ne voyais plus les couleurs. Mais
J’étais sauvée, pourtant ! C’est tout ce qui comptait pour moi.
Le sexe de Raoul, encore gros mais déjà moins rigide se retira de la gorge, et je goûtai sur ma langue les derniers écoulements de son sperme. Je sentis alors, mais cela m’avait totalement échappé jusque là, que l’autre pénis s’agitait dans mon cul. Il m’avait sans doute pénétré au pire moment de ma détresse et, tout absorbé par ma mort que je croyais imminente, par cette totale incapacité de respirer, je n’avais rien senti.
J’avais les larmes aux yeux. J’avais atrocement mal à la gorge. Mais j’essayai tout de même de
me concentrer sur le vit de chair qui labourait mes parois intestinales, qui massait ma prostate, qui échauffait par son va-et-vient constant la rosette de muqueuse, si délicieusement excitable, de ma petite chatte culière. Alors, je me sentis soudain la plus heureuse des femmes. Une douce sensation de plénitude. J’étais vivante alors que j’avais senti la mort de si près. J’étais possédée, excitée, comblée, caressée, entièrement prise. Je sentais vibrer toutes mes parois intérieures, parcourues par un étrange courant électrique.
Comment expliquer un changement aussi brusque ? Simplement que cette porte arrière que Ghyslain venait de forcer une fois de plus, cet orifice culier encore vierge deux jours plus tôt, c’était, j’en prenais conscience désormais, la zone la plus excitable de mon corps. En ce moment même, un tel courant de jouissance me parcourait l’épiderme, que j’en perdais toute mémoire de la violence atroce qu’on m’avait fait subir.
Je sentis, sous la couche de latex de mes prothèses mammaires, mes mamelons se durcir. Je regrettai de n’avoir que de petits seins d’homme, de taille dérisoire. Quelle jouissance ça serait de pouvoir sentir sur des seins plantureux la caresse virile d’un amant à qui je pourrais m’abandonner corps et âme, tous orifices ouverts, afin qu’il me prenne de partout à la fois !
Oui! Un jour j’allais demander à Monica de me fournir des hormones, pour avoir un vrai corps de femme, de vrais seins. Pour me sentir encore plus femme. Pour me sentir encore plus excitable. Et plus soumise encore aux clients qui paieraient pour abuser de mon corps.
Mon pénis, toujours enfermé dans son tube de métal, incapable de s’expandre, donc, se mit alors à vibrer en saccades, au rythme du glissement du pénis agresseur dans mon couloir anal. J’étais si excitée que j’aurais voulu que ça dure. Tout le temps. Que ça ne s’arrête jamais ! Mais en même temps, plus l’excitation montait, plus mon pénis bandait, et plus la meurtrissure des chairs comprimées dans leur étau de métal devenait insupportable.
Pour pouvoir me sodomiser, Ghyslain avait dû détacher la courroie qui tenait la cage de fer repliée vers l’arrière. Le petit tube de métal ballottait donc librement, comme un pendentif accroché à mon sexe de femme. Je savais que la douleur, à l’intérieur de ce vestige dérisoire de mon statut de mâle, allait augmenter encore, jusqu’à prendre possession de toute ma conscience, si je ne parvenais pas à mettre fin à la pression érotique qui bandait mon pénis. Je fis un gros effort pour repousser l’éjaculat qui commençait à prendre forme dans mes testicules tendus comme des peaux de tambour. Éclat de douleur intense, comme si on me coupait le sexe à vif, puis la tension diminua.
J’avais réussi ! Je sentis la pression diminuer dans mon pénis enfermé et je pus à nouveau me laisser aller au plaisir, l’autre plaisir, féminin celui-là, de sentir un verge bandée vivre au creux de mes entrailles et entraîner dans ses mouvements des vagues frissonnantes qui rayonnaient sur l’ensemble de mon corps.
Alors j’ouvris la bouche pour caresser à nouveau le sexe puissant du noir. Il pendait mollement sur son entrecuisse, à quelques centimètres de mes lèvres, mais même vidé de sa semence, il conservait une taille impressionnante. J’espérais pouvoir l’exciter encore, avant que l’autre ne laisse échapper son foutre au fond de mes viscères. J’espérais jouir une fois de plus de ce moment unique où deux sexes en phase se vident à l’unisson.
Parcourant de ma langue le tracé des veines bleues sur le mat d’ébène, je suçais avec douceur la peau du scrotum, en faisant rouler entre mes lèvres chacun des testicules, avec juste un peu de pression tendre, puis je massais le bas du membre, enveloppais le gland en le glissant sur mon palais, et je me retirais pour jouer à nouveau de la langue.
Mais le noir avait trop joui, ce jour là. Et dans ma chatte en chaleur, au comble de l’excitation, je sentis soudain couler la sève de l’homme qui m’enculait avec une énergie soudainement redoublée. Je ne pus m’empêcher de gémir de plaisir, de longs cris qui sonnaient comme une lente incantation, pour que la jouissance dure toujours : « Ouiiiii! Fouilles-moi. Ooohh Oui ! Aaahh ! J’veux te sentir… Encules-moi encore… Vas-y ! Comme ça… Ouiii… Encore ! Encooore… Fourre moiiii! Longtemps ! Oh oui, que j’aime ça ! »
– « T’aimes ça, hien, petite salope! »
– « Oooooohhh Ouiiii. Arrêtes pas! Encooore!… »
– « Dis-nous que t’es rien qu’une petite enculée. »
– « Ouuiii …Je suis rien qu’une petite enculée… J’dirai n’importe quoi, mais continue … Ooohhh! J’aime ça. Continue à me labourer. »
– « Aaarrrh… Tiens… J’t’encules, salope ! »
– « Ouiii …Encules-moi …C’est ça …Comme Ca! »
* * *
Il fallut bien que ça arrête, hélas! Ce qui me fascinait, c’était qu’une fois de plus (mais combien de fois ce jour là ? Je n’en faisais plus le décompte) j’étais venue, totalement, d’une jouissance intégrale, dans chaque fibre de mon corps, sans pourtant que mon pénis ne rebande. Comme si mon organe mâle avait fini par comprendre qu’il était exclu de cette fête de mon corps de femme.
C’est alors seulement que j’appréciai vraiment l’instrument de torture que Monica m’avait fait revêtir. Ce harnais qui contraignait mon sexe dans un canal minuscule n’était pas seulement un instrument de punition. C’était aussi un outil efficace de transformation: en m’empêchant de jouir à la manière d’un mâle, par une brusque libération de toute mon énergie, la cage de fer me permettait d’atteindre un niveau d’excitation érotique que je n’avais jamais connu auparavant. Je jouissais comme une femme. Et même après que Raoul et Ghyslain se furent retirés, d’autres vagues de chaleur me parcouraient le corps, d’autres contractions internes m’excitaient les muqueuses, d’autres pulsations modulaient mes mamelons. Je jouissais encore.
J’étais affaissée contre le sol. Je ne sentais plus la moindre douleur. J’étais tout à fait bien dans ma peau, malgré toutes les contraintes imposées à mon corps. Mes deux maîtres s’étaient étendus sur le lit et discutaient de choses et d’autres, sans me prêter attention. Délicieux moment de calme
après l’amour.
Puis ils m’offrirent de m’étendre à côté d’eux. On se mit à parler: de ce qu’ils faisaient dans la vie, l’un et l’autre; de ce que je faisais moi-aussi, quand je n’étais pas esclave. Ils s’étonnèrent que je fus journaliste, s’inquiétèrent un peu de l’article que je pourrais faire sur eux, mais se laissèrent facilement rassurer. Après tout, je n’aurais certainement pas le beau rôle, eus-je l’idée de raconter cette histoire. Je n’étais pas d’accord et le leur dit aussitôt : oui, j’avais le beau rôle; deux hommes à mes côtés; une maîtresse comme Monica; une vie centrée sur le sexe…
* * *
C’est dans cette position de tendresse partagée que Monica nous retrouva, de longues minutes plus tard, lorsque son client fut reparti. Elle s’informa auprès de ses hôtes du comportement
de « la bonne ».
– « Elle a été impeccable, Monica. Cette fille-là, c’est une trouvaille! J’espère que tu vas nous la garder longtemps en aussi bonne forme, » répondit Ghyslain.
– « J’espère moi-aussi, » dit Monica, avec comme une interrogation dans le regard.
Je n’osai pas répondre. Tout était si confus dans ma tête. À mesure que les frissons de l’orgasme s’étaient dissipés, je recommençais à sentir la douleur de mes pieds, de mon sexe harnaché, de mon bas-ventre enfermé dans un corset tyrannique, de mes poumons qui avaient peine à pomper assez d’air, avec aussi dans l’estomac cet excès d’acidité, à cause de l’urine, ou simplement parce que j’avais trop peu mangé. J’avais mal à la gorge, mal aux joues distendues, et horriblement soif. Je sentais sur mes fesses la chaleur des lanières. Mes testicules étaient en feu. Tout mon corps était souffrance.
Je pris soudainement conscience qu’il s’agissait en fait d’un jeu très dangereux. J’eus alors envie que tout ça prenne fin. De crier « A l’aide! » De sortir de la torpeur où je m’étais laissée emprisonner depuis deux jours. Mais en même temps, je revoyais mentalement tous les moments magnifiques vécus depuis ma rencontre avec Monica. Cet érotisme trouble quand elle m’avait lié les mains et maquillée dans les toilettes des femmes, puis forcée à sortir comme ça, en pleine rue, le premier soir. La fascination quand, le lendemain, elle avait fait de moi une femme magnifique, que nous étions sorties « en filles » dans un grand restaurant. Le plaisir unique de m’être sentie désirée par deux hommes, de les avoir fait jouir, et d’avoir découvert avec eux le plaisir de faire venir deux hommes en même temps, un sexe dans la bouche, l’autre dans les viscères. La découverte que je pouvais être plus heureuse encore, d’un orgasme plus total, en faisant venir un homme, enserré dans mes lèvres fessières, qu’en dispersant mon sperme. Et la fascination ressentie, toute cette dernière journée, devant ce corps si parfait de l’athlète noir.
Une chose me paraissait claire. J’avais touché ce week-end le plus bas fond de la dignité humaine; j’avais connu les plus grandes détresses imaginables; j’avais même frôlé la mort et j’en portais encore la douleur atroce. Mais j’avais réalisé mes fantasmes les plus intimes : j’étais devenue, totalement et entièrement, une femme-esclave, sans autre besoin que d’être prise, abusée, mortifiée, subjuguée, réduite à l’état de matrice sexuelle.
Et cette obsession, je n’allais plus jamais la perdre. Ça, je le savais.
Je me relevai avec peine, me juchai sur mes souliers à talons acrobatiques, fit face à Monica en baissant les yeux aux sols. « Madame! J’ai pris ma décision. Vous pouvez compter sur moi comme esclave, aussi longtemps que vous le désirerez. »
– « As-tu bien réfléchi, Claudia ? »
– « Je vous l’ai dit, madame… J’en ai horriblement peur… Je souffre énormément, dans mon corps et dans mon âme, au moment où je vous parle. Mais ce que vous m’avez fait connaître, c’est comme planté dans moi. Je pense plus pouvoir l’arracher… »
Alors, j’ai éclaté en sanglots. Incontrôlables. Je suis tombée à genou devant Monica et l’ai regardée, suppliante : « J’ai peur, madame Monica… J’ai peur…nnnff…nnnff… Je vous en prie…nnnff… Protégez-moi. J’vous appartiens. »
Alors, sans même me regarder, elle m’a repoussée du revers de la main. « P’tite braillarde, va ! J’ai d’autres choses à faire que d’écouter des états d’âme. Allez ! Déguerpis ! »
J’ai donc quitté la pièce, désespérée, perdue, souffrante, pendant que j’entendais Monica parler et rire avec ses deux clients.

CHAPITRE IX:

Quand Ghyslain et Raoul furent partis, je n’eus même pas le bénéfice d’une relâche, nécessaire pourtant, tant j’étais épuisée. Mais Monica aussi se sentait fatiguée. Elle avait reçu deux clients en après-midi, deux hommes ayant sollicité ses talents de dominatrice, et elle avait besoin, pour récupérer, des soins attentifs de sa nouvelle esclave personnelle. « Il faut maintenant que tu me prouves que tu peux te rendre utile autrement que comme un cul ouvert à tous, ma petite! Viens me
donner un bain. Viens me déshabiller, me laver, me caresser… Et tâches d’être douce. Je suis morte! »
Elle était habillée dans un étrange attirail de cuir noir : à partir d’un cache-sexe décoré de rivets métalliques, des lanières parcouraient son ventre et sa poitrine, en encadrant ses seins dénudés. Elle portait aussi un collier de cuir, des bottes à talons-aiguille, des gants couvrant la totalité du bras, et une casquette. Menaçante amazone, image typique des filles sadiques qu’on voit dans les magazines spécialisés. Vision presque caricaturale. Elle ne ressemblait guère à la Monica, si délicieusement ambiguë que j’avais connue deux jours plus tôt.
« Ça, ma petite Claudia, c’est, comme qui dirait, mon costume de travail. Mes clients d’aujourd’hui, ils ne sont pas du genre subtils. Pas beaucoup d’imagination érotique. Pour jouir, il leur faut une maîtresse qui ait l’air menaçante, qui les insulte et qui leur donne de bonnes sessions de fouet. »
Elle continua le récit de ses ébats « professionnels » tout en m’attirant vers sa chambre à coucher. Je la suivis avec peine, toujours juchée sur mes chaussures impossibles, emprisonnée dans mon corset de plus en plus intolérable, avec ce sexe encapsulé qui pendait sous ma jupe de soubrette. J’étais étourdie, malade. Mais il me fallait tenir dignement mon rôle devant Monica. Je l’écoutais en essayant d’oublier ma fatigue, ma douleur.
« Remarque bien, poursuivit-elle, que l’avantage avec ces hommes-là, c’est que ce sont des impuissants qui ne demandent pas à te foutre leur queue dans le vagin pour jouir. J’ai qu’à jouer mon rôle de tortionnaire et ils éjaculent comme des porcs. C’est mon système, maintenant : mes clients qui veulent user de leur foutre, c’est des petites esclaves comme toi que je leur fournis. Des petites putes qui ne demandent que ça. Des petits culs qui aiment être défoncés. Des petites bouches suceuses qui font pas les difficiles. Qui prennent tout ce qu’on leur donne : de la merde, de la pisse, des queues, des chattes… Hein ? N’importe quoi te fait jouir, n’est-ce pas, Claudia chérie ? »
– « Oui, madame. »
– « Alors moi, je ne garde que les autres clients, les amants platoniques, ceux qui sont moins exigeants, ceux qui baisent dans la tête, pas dans les couilles. C’est bien moins éreintant comme ça! Mais n’empêche que de passer une journée dans ce cuir, à faire tourner le fouet à gauche et à droite, ça finit par me donner chaud. Alors, ma petite Claudia, voici ce que tu vas faire : tu vas m’enlever tout cet attirail de clown, je vais m’étendre sur mon lit et tu vas me masser doucement avec une éponge savonneuse et un peu de crème parfumée. »
Elle me tendit une éponge, du savon, une petite bassine d’eau tiède et un flacon d’huile légère à l’odeur fascinante. Je déposai le tout sur sa table de chevet et l’aidai à enlever ses lanières de cuir. Je m’agenouillai devant elle pour lui retirer ses bottes et ses gants, ce qui me permit de voir de près son corps parfaitement nu. Je me dis que c’était bien la plus belle des femmes. Comme j’aurais aimé avoir un corps pareil ! Des seins aussi parfaits ! Hélas ! J’étais née avec ce corps d’homme, si rustre, dont j’avais maintenant si honte. Malgré tous les efforts de cette divine maîtresse, mon corps demeurait en effet celui d’une travestie un peu ridicule aux allures de putain de bas étage, vulgaire parodie de l’autre sexe.
Oh, Monica ! Sauras-tu un jour faire de moi une femme digne de rester en ta présence ? Aurais-je un jour des seins aussi magnifiques que les tiens, une peau douce comme la tienne ?
Quand elle fut étendue sur le ventre, je pris l’éponge pour laver doucement son dos, avant de la masser avec un peu d’huile parfumée. Elle se retourna ensuite et je fis de même sur son ventre. Puis je rafraîchis ses jambes, ses aisselles et ses bras.
« Merci Claudia. Ca va mieux. Maintenant j’ai un peu faim. Va dans la cuisine, me chercher quelques fruits. Et tu reviendras ici t’agenouiller devant moi. »
Je me relevai, péniblement encore. Je n’avais presque rien mangé depuis le matin, si ce n’est que les deux ou trois bouchées avalées péniblement le midi, arrosées d’urine, et bien sûr les nombreuses rasades du foutre de mes deux tortionnaires. Encore heureux que le sperme soit, somme toute, une matière très nourissante ! Mais ce qui m’affaiblissait, surtout, c’étaient les entraves. Je ne savais pas combien de temps j’allais pouvoir endurer le supplice. Et combien de temps Monica comptait-elle me garder ainsi à son service avant de libérer mon corps de ses multiples prisons. La marche vers la cuisine et le retour nécessitèrent un effort surhumain. Et quand je voulus m’agenouiller devant Monica; je perdis presque l’équilibre. Je fondis en larmes, une fois encore.
– « Qu’est-ce qui va pas, Claudia chérie ? »
– « Je suis morte, madame… Je suis épuisée… J’ai rien mangé. J’ai souffert. J’ai été prise de toutes les façons. J’ai failli être étouffée. Je vais perdre connaissance, je crois. Je vous en supplie, madame. Laissez-moi un peu de répit. Je vais bien m’occuper de vous, mais déliez mon corset. Je vais perdre connaissance. »
– « Pauvre Claudia. Pauvre petite garce ! Tu t’imagines que t’es la première que je prends en charge de la sorte! T’en fais pas. Au début, elles pensent toutes qu’elles vont mourir. Mais la nature est bien plus forte que ça. Je pourrais te laisser une semaine encore dans ce corset, avec ton sexe enfermé dans ce petit tuyau ridicule. Oh ! Tu souffrirais, bien sûr. Le martyre ! Mais tu crèverais pas. »
– « Je vous en prie, maîtresse… »
– « Tais-toi, petite polissonne ! C’est moi qui parle ici, » lança-t-elle avec un ton soudainement rageur. « D’abord, il te reste deux tâches à faire, et tu vas les faire habillée comme tu l’es. Et t’es mieux de bien les faire parce que, sinon, tu devras tout recommencer. La première, c’est le lavage des draps et du couvre-lit que tu as souillés ce midi. Ça, on avait convenu que tu le ferais ce soir. Ensuite, y a le ménage complet de cette chambre, du salon et de la cuisine. Puis, on va descendre tous les deux dans ma salle de torture, en bas. Mon petit donjon est un peu en désordre, après la visite de cet après-midi, et je t’indiquerai où mettre les choses.
Mais ensuite, quand tu auras fini le ménage, avant de te libérer, tu auras droit à ces quelques coups de fouet que je t’ai promis pour ton dégât de cet après-midi, tu te rappelles ? J’ai pour toi une belle grande verge de cuir qui laisse de jolies marques sur les peaux tendres. Tu verras comme c’est sexy! Tu peux le considérer comme une punition mais, en fait, c’est plutôt une marque d’affection. J’aime bien que mes esclaves emportent avec elles des souvenirs de leur maîtresse, en quittant ma demeure. D’autant plus qu’avec de grandes cicatrices rouges sur les fesses, ça vous coupe l’envie d’aller baiser ailleurs ! »
« Alors, c’est ça ton programme, ma petite. Après ça seulement, tu rentreras chez toi. »
J’aurais sans doute dû me sentir terrifiée par ce programme. Mais je savais que je n’avais plus le choix. Qu’elle ferait tout ce qui lui semblait amusant et cruel. Alors, seule la perspective de me libérer enfin de ce cauchemar ne parut digne d’intérêt, comme une lueur, enfin, après une longue nuit. J’en fus profondément heureuse et c’est avec une sincérité non feinte, un bonheur profond, je crois, que je lui répondis; « Oh! Merci, Madame Monica… Merci beaucoup ! »
* * *
C’est ainsi que je dus passer encore deux bonnes heures debout, dans mes vêtements de suppliciée. Je fis tout de même les tâches à la satisfaction de Monica, qui m’annonça donc que la
punition promise serait réduite à cinq coups de verge.
Elle me fit d’abord passer dans la pièce qui m’avait servi de chambre, la première nuit. Elle m’y fit enlever mes vêtements de soubrette. Puis délaça (enfin!) mon corset. Quel soulagement! Je sentis soudainement l’air entrer dans mes poumons. Puis une étrange douleur intérieure, au moment où toutes mes viscères reprenaient ensemble leur place normale, après ces longues heures de compression à la limite du tolérable.
Je ressentais une terrible douleur au dos. Je voulus masser mes reins, de mes mains aux ongles rouge vif. Monica nota le geste : « T’as mal au dos, petite? T’en fais pas, c’est toujours comme ça, avec un corset très serré. Et c’est ça qui est magnifique avec ces petits chefs d’œuvre de la mode victorienne : plus tu vas en porter, plus ton corps va se mouler aux formes de ses baleines, et plus les muscles du dos, qui n’auront plus rien à soutenir, vont s’affaiblir. Après quelques mois, non seulement tu trouveras ces corsets confortables, mais tu ne pourras les enlever que pour t’étendre. Parce debout, sans corset pour te soutenir, ton mal de dos deviendra insupportable. »
Monica me fit ensuite signe de m’asseoir. Elle prit de ses mains si fines mon appendice urinaire, toujours enfermée dans sa gaine de métal. Elle desserra les vis qui refermaient le tube, qu’elle fit ensuite glisser pour dégager la ridicule petite chose flasque qui s’y terrait. Malgré cette main si douce, l’organe demeura inerte. Je n’avais même plus, je crois, l’énergie pour bander. Monica s’en réjouit : « Ça fait bien plus féminin comme ça. Juste une petite bosse, comme un clitoris. »
Puis, comme si elle était séduite par la docilité de ce sexe qui avait pourtant si souvent bandé et éjaculé sans permission depuis le matin, elle ajouta : « T’es un petit animal facile à dompter, Claudia chérie. Je sens qu’avec toi, il sera possible de pousser l’exploration très très loin. Tu ne regretteras pas le jour où je t’ai tirée de ta merde pour t’initier à ta nouvelle personnalité. Tu réalises le progrès que tu as fait en deux jours à peine ? T’es déjà entièrement possédée. Crois-moi, tu vas bientôt être la plus heureuse et la plus servile des esclaves ! »
Elle me fit garder ma jarretière et mes bas de nylon, mon soutien-gorges et mes faux seins, ma perruque et mes souliers. « On n’a pas travaillé toute cette fin de semaine pour faire de toi une femme du monde, ma petite, pour te laisser redevenir un homme à la première occasion, hein ? Alors, quand t’es chez moi, tu dois toujours conserver au moins un minimum de féminité. Compris ? »
– « Oui, madame. »
– « D’ailleurs, ma petite Claudia, quand tu partiras d’ici ce soir, je ne veux pas que ça soit dans tes habits d’homme. Tu vas rester comme tu es là. Je vais te prêter une jupe, un fuseau et quelques accessoires, et c’est comme ça que tu vas rentrer chez toi, O.K. ? Une fois dehors, tu pourras toujours te débrouiller comme tu veux, mais c’est en femme que tu sortiras d’ici. Compris ? »
– « Mais, madame !… J’aurai jamais le courage ! »
– « Voyons, petite idiote. Après tout, hier, tu es bien sortie en fille, et t’as eu un fichu succès, non ? »
– « Mais vous étiez à mes côtés, madame ! »
– « Bon. Je t’accompagnerai ce soir encore, si tu veux. Mais je veux que pour moi, à partir de maintenant, tu ne sois toujours que Claudia. Quand tu reviendras chez moi, à l’avenir, et que j’ouvrirai la porte, c’est Claudia que je veux voir. Pas cet homme moche que tu étais vendredi dernier, dans ce bar sordide où je t’ai repêchée. »
– « Bien… Je vous le promet, madame. Vous m’avez tellement transformée, ces derniers jours, que je crois que je ne serais plus capable de redevenir vraiment un homme, de toute façon ! »
– « Si tu veux mon avis, d’ailleurs, ajouta-t-elle d’un ton moqueur, avec les sourcils arqués que je t’ai taillés hier, même en homme, t’auras l’air bizarre ! Alors, si tu veux pas que les voisins te regardent de travers, t’es aussi bien de demeurer travestie pendant deux ou trois semaines, le temps que ça repousse. »
* * *
Elle me fit alors descendre dans sa salle de torture, une pièce que je n’avais pas encore visitée. Quelle vision horrible que ces arceaux, ces tables de supplice, ces anneaux aux murs et au plafond, et cette collection de férules, fouets, verges et autres courroies disposée sur le mur !
Autour de deux ou trois établis qui servaient, au centre de la pièce, de « tables d’opération » pour certains types de supplices dont je ne savais rien encore, étaient dispersés certains instruments qu’elle avait utilisés avec ses clients du jour. Elle m’indiqua où ranger ces objets. Elle m’entraîna ensuite vers une petite banquette recouverte de cuir, dont la surface était souillée de cernes.
« Allez. Montre-moi ce que tu sais faire de ta langue. Je veux que ce cuir soit propre comme neuf. »
Je devinai immédiatement, au goût âcre et salé de la souillure, qu’un de ses clients y avait éjaculé. Mais ce goût, loin de me déplaire, me fit revivre avec plaisir les moments si intenses vécus depuis deux jours. Je lapai le sperme séché avec délectation, en sentant une fois de plus l’excitation monter dans mon ventre. Une excitation puissante, qui secoua mon corps. Une excitation que je ne ressentis pas dans mon sexe d’homme, chair plutôt inerte, ersatz inutile de ce qui avait été jusque là un pénis plutôt fier, mais dans ma grotte anale, ouverture chaude et vibrante, dont le sphincter maintes fois violé recommença ses convulsions de désir. Comme si mon anus appelait avec fièvre une queue pour l’emplir.
La passion que je mettais à lécher ce cuir n’échappa pas à Monica. « Ma parole, Claudia. Tu y prends goût? »
– « Madame. Excusez-moi de vous dire ça, mais vos amis m’ont tellement prise, aujourd’hui, ils m’ont tellement comblée, que je me sens vide, maintenant. Comme si je n’étais complète qu’avec ces deux sexes en moi. Et alors, cette odeur, ce goût… Ça m’excite tout l’intérieur. Ça me bouleverse. »
Monica me fit ranger les dernières choses, et me poussa ensuite, doucement, sans la moindre violence, contre la paroi de pierre, au fond de son donjon. « Claudia. Je tiens à te dire que j’ai été très satisfaite de toi, dans l’ensemble. Il y a ce vit un peu trop prime qu’il faudra mieux apprendre à contrôler, mais en te voyant ce soir, j’ai l’impression qu’on a déjà fait un bon bout de chemin. Oui! Je suis sûre que ça viendra bien assez vite. Car pour donner du plaisir aux hommes, tu es franchement douée. Tu es peut-être la meilleure esclave que j’ai eue. La plus prometteuse, en tout cas. »
Tout en parlant, elle m’attacha les poignets à un anneau qui pendait d’une poulie, au plafond. Puis, elle tira sur une sangle et mes pieds quittèrent le sol. J’étais maintenant douloureusement suspendue par les poignets, en position d’impuissance complète, les pieds ballants à quelques centimètres de terre.
Elle continua de parler: « Ces coups de verge que je vais te donner, comme je te l’ai dit, ce n’est pas tant une punition qu’une preuve de soumission que j’exige. Quand tu partiras de chez moi, tout à l’heure, tu en porteras la marque. Quand tu voudras t’asseoir, cette semaine, la douleur te rappellera que tu es ma chose. Que pour toi, désormais, rien d’autre ne doit compter que de m’obéir. Es-tu prête à recevoir mes coups ? »
Elle parlait d’une voix si douce, envoûtante comme le chant d’une sirène. C’était comme une prière. Une cérémonie sacrée. Une sorte de baptême de douleur par lequel j’aurais accès à la vie nouvelle qu’elle m’avait fait connaître. J’eus alors vraiment envie de ce châtiment qu’elle m’offrait avec une telle gentillesse.
– « Oui, Monica. Je suis prête. »
– « Supplie-moi de te frapper. Je veux t’entendre réclamer mes coups. »
– « Monica, ma maîtresse adorée, je veux que vous me frappiez. Je veux porter votre marque. Frappez-moi… Frappez-moi, je vous en prie ! »
Le premier coup s’abattit en travers de mes fesses, dans un pincement sec, qui creusa dans mes chairs une mince fente rouge. Je parvins avec peine à retenir mon cri. Puis vint le deuxième coup. Même douleur. Même silence. Un autre pincement. Un autre encore. Et le dernier enfin. J’avais les dents serrées, mais j’étais très fière de moi : je n’avais pas laissé filtrer le moindre son. Ni cri, ni soupir. Triomphe complet de la victime sur la douleur qu’on lui inflige !
Quand elle eut fini son travail de tortionnaire, quand elle relâcha les ganses et que je repris pied au sol, quand elle s’approcha pour me libérer les poignets, je me retournai vers elle, follement heureuse de ma performance, comme si je venais de briser quelque record du monde, et lui chuchotai : « Merci beaucoup, maîtresse ! »
Elle vit mon sourire, sincère, témoignage si évident de ce bonheur accessible seulement dans le don total de soi, et elle m’embrassa sur la bouche. Ce fut un baiser de passion, le premier que m’ait donné cette maîtresse incomparable.
* * *
Il allait être bientôt dix heures, le soir. Monica décida qu’il était temps de me renvoyer chez moi. Mais elle me força d’abord à remettre le corset que j’avais porté la veille. J’en fus horrifiée.
– « Allez, sois raisonnable, Claudia. Sans ce corset, t’as pas la taille qu’il faut pour porter les belles choses que j’ai préparées pour toi. Laisses-toi faire. Et puis, je te l’ai dit, on s’habitue à ça, quand on le porte tous les jours. Et bientôt, tu pourras plus t’en passer ! »
Et alors, sans me laisser le temps de réagir vraiment, elle tira très fort sur les lacets. Docilement, je vidai mes poumons de tout leur air, rentrai mon ventre autant qu’il me l’était possible, ce qui lui permit de refermer complètement l’étau, retranchant dix bons centimètres à ma taille comprimée. Elle prit ensuite de petits anneaux de métal sur une table basse, les glissa dans les oeillets du corset et scella ainsi la chose de telle sorte qu’il m’était désormais impossible de l’enlever par moi-même.
« Voilà ! Te voilà prisonnière de ce corset, ma petite. À moins que tu trouves quelqu’un qui accepte de t’en libérer! Mais là, tu auras à fournir des explications et tu vas voir que ça peut devenir gênant. Et puis, quand on va se revoir, toi et moi, je veux te retrouver exactement dans cet état. Alors si t’enlèves ton corset, faudra aussi trouver quelqu’un pour te le remettre ensuite. Avec les anneaux. »
« Et si tu prends une douche, faudra pas t’en faire. Le tissus supporte bien l’eau. Mais faudra compter un peu plus de temps pour le séchage, hein, ma petite ? Si tu t’essuies bien, une heure à une heure et demie devraient suffire. »
– « Comment je vais faire pour respirer, madame ? Et pour manger ? »
– « Pour respirer, on s’y fait. Rappelles-toi ta soirée d’hier. Puis tu t’habitueras à ne pas t’essouffler, à ne pas faire trop d’efforts, à être plus féminine, en somme ! Quand à la bouffe, ça ne te fera pas de tort de manger un peu moins. Mais le truc, ici, c’est de prendre plusieurs petits repas, jamais plus que quelques bouchées à la fois. C’est pour ça qu’on disait des femmes du XVIIIe siècle qu’elles n’avaient qu’un appétit d’oiseau. Mais c’est comme ça qu’on obtient une taille fine. »
Elle me prêta une camisole soyeuse, de couleur noire, et les culottes assorties, changea mes bas, me fit remettre les souliers. Elle me tendit une jupe courte mais confortable en tissus extensible noir, un chemisier blanc de tissus lustré, délicieusement doux à porter, et un tantinet translucide, pour laisser apparaître le dessin de la camisole en dessous. Elle me tendit une sacoche. Une trousse de maquillage. Quelques accessoires. « Tu en connais beaucoup de putes qui, pour quelques baises, passent un week-end complet logées et nourries, et repartent avec une garde-robe complète de nouvelles fringues ? T’es gâtée, Claudia. Mais cette semaine, il faudra bien que tu fasses ta part et que tu t’achètes quelques robes, quelques jupes, quelques dessous. Tu dois bien avoir un peu de fric à toi, non ? »
– « Oui, Madame. »
– « Alors je te laisse une adresse. Tiens. Tu y trouveras tout ce qu’il te faut. Et la patronne te donnera des conseils. C’est une amie à moi. Elle a toujours habillé mes esclaves. »
Elle me tendit la carte d’affaires d’une boutique de vêtements et lingerie féminine. J’ai toujours rêvé d’entrer un jour dans de tels endroits et d’y faire des achats pour moi. Mais je n’avais jamais eu le courage. Aujourd’hui, cela devenait enfin possible !
Elle fit quelques retouches à mon maquillage. Dans la glace, je notai que mon apparence était plus discrète que pour ma sortie la veille. Moins frappante, en tout cas. Mais je n’eus guère de
peine à me convaincre que c’était préférable si je voulais vivre en femme au quotidien, ou au moins me rendre jusqu’à chez moi sans attirer les regards de tous les passants.
Ainsi vêtue, maquillée, coiffée, Monica me fit sortir, et me fit monter dans son auto. Elle ne me reconduisit toutefois que jusqu’au premier métro : « Allez, c’est ici que tu sors ! »
– « Ici ? Au métro ? »
– « Te fais pas de bile, Claudia. Ça va très bien se passer. »
– « Oui, sans doute… Et quand voulez-vous que je revienne vous voir ? »
– « J’ai ton numéro de téléphone, Claudia… Je t’appellerai cette semaine. Si tu l’acceptes alors, je t’enverrai peut-être des clients chez toi. Mais en attendant, prends le temps d’y penser, Claudia. C’est un choix important, qui mérite bien quelques réflexions. Si tu décides de plonger avec moi, ta vie cessera de t’appartenir. Ton corps aussi. Tu ne seras plus que l’objet du fantasme des autres, esclave efféminée, 24 heures sur 24 éventuellement. C’est vers ça que je t’emmène. Je suis certaine que c’est là ton destin, que tu y trouveras ton seul bonheur. Mais je pense qu’il vaut mieux que tu y réfléchisses un peu. Parce qu’après, c’est sans retour. »
– « Monica, je peux vous poser une seule question ? »
– « oui. Vas-y. »
– « Êtes-vous déjà allé aussi loin que vous le dites, avec d’autres hommes… enfin d’autres… personnes comme moi ? »
– « J’ai eu plusieurs débutants. J’en ai eu un seul qui a accepté le défi que je te propose. Il a vécu trois ans avec moi, comme mon esclave sexuel. À la fin, c’était une femme superbe, qui faisait retourner tous les regards dans la rue. Et une bête sexuelle qui ne connaissait aucune limite. »
– « Que lui est-il arrivé? » demandai-je avec angoisse.
– « Un client m’a fait une offre et j’ai accepté de la vendre. La même chose pourrait t’arriver un jour, Claudia. Mais si je l’ai vendue, c’est parce que depuis quelques mois, elle s’était laissée posséder totalement par cet homme. En fin de compte, elle était déjà à lui. Je n’y pouvais rien. Alors, on a convenu d’un prix. Ca fait un an, déjà. Et t’es la première proie que j’attrape depuis un an, qui me paraisse aussi douée ! »
– « Et aujourd’hui, elle est heureuse? »
– « Oui… Enfin, je pense. Je l’aurais pas vendue, sinon. Mais c’est difficile à dire, avec les vraies esclaves. Même les pires horreurs peuvent leur procurer du bonheur… Regarde ton propre cas, Claudia : tu étais bien heureuse, aujourd’hui, avec cette brute de Raoul, non ? »
Je n’ai pas répondu. J’ai souri à Monica. Je lui ai dit que j’attendrais son appel. Je lui ai demandé de se hâter, de ne pas m’abandonner. Je l’ai remercié pour les fringues. Et pour tout. J’avais les larmes aux yeux. L’émotion, je crois. Alors, je l’ai embrassée sur la joue, discrètement. Elle m’a dit bonsoir. Je suis sortie de l’auto. J’ai marché courageusement, dans mon déguisement de femme, en direction des portes du métro.
Je sentais l’air frais de la nuit s’infiltrer sous ma jupe un peu trop courte et caresser mes jambes couvertes de nylon. Ou s’infiltrer par les pores du tissus si léger de mon chemisier. Une sensation de surface, comme une caresse du vent, un frisson, tellement étranger à l’expérience vestimentaire des hommes. Je sentais l’air remonter jusqu’à ma culotte et lécher à travers leur tissus délicat les cicatrices encore fraîches sur mes fesses. Oh ! Quelle brûlure agréable. Même à distance, Monica
continuait de la sorte à me posséder. La douleur me devenait agréable parce qu’elle lui appartenait.
J’entendais mes talons claquer contre les dalles du trottoir. Un bruit tellement familier quand on y pense, mais que j’avais toujours associé à la démarche de l’autre, de la femme. Ici, c’étaient mes pas qui claquaient de la sorte. Mes pas, qui empruntaient cette démarche fragile des filles du trottoir, et ce balancement érotique, rendu nécessaire par le port de talons très hauts. Certes, ce n’était plus l’exercice périlleux de la marche dans les talons acrobatiques qu’on m’avait fait porter en après-midi; mais cette fois, comme la veille au restaurant, ce n’était plus un jeu intime: je marchais en public, exposée au monde. J’étais cette femme qui marchait vers la bouche de métro, en tenant son balan sans trop de peine, mais avec juste une certaine impression de fragilité. J’étais cette femme-objet, cette femme bibelot, cette femme-désir, vulnérable.
En m’approchant de la petite foule qui attendait à la porte et à l’arrêt d’autobus juste à côté, je fis un effort pour ne pas voir les regards qui se tournaient vers moi. Puis je réalisai rapidement qu’il n’y en avait pas tant. Et n’est-ce pas du reste le lot de toutes les femmes, lorsqu’elles marchent en public en jupe courte et en talons hauts ? En fin de compte, Monica avait raison: je passais plutôt inaperçue.
Ca me rassura, et me déçut tout à la fois. Après tout, avec ce corset qui me donnait des formes, avec ma jupe serrée et ce chemisier soyeux d’apparence sage et sophistiquée, n’aurais-je pas dû faire tourner quelques têtes ? Alors j’eus envie, moi, de regarder les hommes autour, droit dans les yeux, de provoquer leur regard, de leur offrir un sourire invitant. De les attirer comme une araignée dans sa toile. Et de m’offrir.
Je sentis une fois encore mon anus s’ouvrir, se serrer, s’ouvrir encore. Pulsation frénétique de ma petite chatte culière qui mouillait du désir de ces inconnus dont j’aurais tant souhaité l’agression. À ce moment précis, partagée entre la douleur des stries gravées sur mes fesses, la douce fraîcheur du
vent sur ma peau, et la chaleur profonde de mon anus qui appelait la chair bandée, j’aurais tant souhaitée me faire empaler par le premier homme venu ! Un regard aurais suffi, pensai-je. Mais je n’ai pas osé. Trop timide encore en public, trop peu sûre de mon apparence, j’ai préféré tenir les yeux baissés,
Et puis, il y avait Monica, peut-être encore dans son auto, derrière moi. Je me suis retournée juste à temps pour voir sa voiture repartir. J’étais maintenant définitivement seule. Je me suis engouffrée dans le métro.
Baptême de la foule en solo. Il fallait bien que je m’y risque, puisque j’étais bien décidée à ne plus revenir en arrière, du moins pas complètement. Non ! Je n’allais pas enterrer cette sexualité sauvage que Monica avait fait éclore en moi après tant d’années de latence.
À l’intérieur de la station, je pris place sur une banquette pour attendre le train. Je profitai des quelques minutes d’attente pour faire le point, après ce week-end d’orgies et de souffrances. Voilà: je portais un corset qui me donnait des formes féminines; j’avais les sourcils finement épilés et, sous ma perruque et mon maquillage, je ressemblais certes plus à une femme qu’à un homme; dans ma tête aussi, puisque c’est en femme que je désirais séduire et être séduite.
J’étais femme, en public, et m’y sentais à l’aise maintenant. À cause de cette sensation si douce de contact avec le vent. À cause du désir érotique qui m’avait assailli tout à l’heure, peut-être. Ou à cause de cette détente si paisible maintenant. Alors, je m’étonnai de me trouver si confortable dans ce corset serré. Monica avait donc encore raison : on s’habitue à ce genre d’attirail.
On n’a qu’une vie à vivre, me dis-je alors. Pourquoi ne pas explorer à fond ce qu’elle a à offrir ? Mon univers d’homme, rangé, studieux, j’allais donc l’enterrer pour laisser toute la place à cet autre monde qui s’ouvrait, jusqu’à la limite de mes rêves. J’allais dorénavant vivre en femme, en tant qu’esclave sexuelle de Madame Monica, disponible à tous ceux et toutes celles qu’elle me commanderait de servir.
Et je sentis alors comme un liberté profonde s’épanouir en moi. Une soudaine légèreté de l’être… Je n’aurais plus jamais le moindre soucis. Plus d’autre dimension que l’esclavage. Plus d’autre responsabilité que l’obéissance totale.
J’étais femme, esclave et libre.

©LE CERCLE BDSM 2005